Journal du curé Mingaud

Tenu au cours de la période, juillet 1702 à mai 1724
(Transcription du document original conservé aux archives départementales de la Lozère)

Entre 1702 et 1724, le curé Mingaud en charge de la paroisse de St-Etienne-Vallée-Française (Lozère), a tenu un journal écrit de sa main, au verso de l'un des registres d'état civil de la commune. Ce journal, qui a un incontestable intérêt historique, fait un compte rendu des évènements survenus dans les Cévennes, après la révocation de l'Edit de Nantes. Pour un lecteur simple amateur de l'Histoire, le déchiffrage de ce document manuscrit est d'une lecture difficile. Il existe heureusement une transcription, incluse dans un ouvrage de Gustave de Burdin paru en 1846, et intitulé " Documents historiques sur la Province du Gévaudan ". Mais la transcription Burdin a un double inconvénient, elle ne reproduit pas intégralement le texte du curé Mingaud, et surtout comporte de nombreuses erreurs, qui en diminuent l'intérêt. Il a donc paru utile d'établir une nouvelle transcription du journal, à partir de l'original conservé aux Archives Départementales de Lozère (consultables sur Internet à la rubrique EDT 148 GG article 9). La nouvelle transcription utilise en partie celle de Gustave de Burdin, mais en corrige toutes les coquilles identifiées, et la complète des passages oubliés. Elle s'appuie en outre, sur une bibliographie traditionnelle de la Guerre des Cévennes, principalement l'ouvrage monumental d'Henri Bosc, outre des livres plus récents, comme le dictionnaire des Camisards de Pierre Rolland etc.…

Concernant l' orthographe, il eut été envisageable de recourir à celle en usage au 18e siècle, d'ailleurs plus ou moins bien respectée par le curé Mingaud, mais il a paru plus judicieux, dans un souci de clarté, d'employer seulement l'orthographe contemporaine, cela tant pour les noms communs, que les noms propres.

Le résultat obtenu devrait permettre un accès plus facile au lecteur, même s'il peut subsister encore quelques erreurs, surtout imputables à de rares difficultés de déchiffrage d'une partie des écrits du curé Mingaud. Cette nouvelle transcription, n'a toutefois pas la prétention de remplacer la consultation du manuscrit original, tant auprès des historiens de profession, que des amateurs, qui préféreront voir de leurs yeux, ou tenir entre leurs mains le manuscrit, authentique, témoin toujours vivant d'une époque passée.
En définitive, considéré dans son entier, ce journal ne donne pas du curé Mingaud le portrait d'un ecclésiastique indulgent et bienveillant, voire protecteur des adeptes du protestantisme, comme il est parfois dépeint dans certains écrits récents. Certes cette bienveillance existe, mais elle paraît très partisane, et réservée de préférence aux repentis, très rarement à ceux qu'il appelle les obstinés ou opiniâtres.

Jacques THEULLE , le 11 avril 2008 à Toulouse.

NOTA : Les paragraphes, phrases, ou les mots en italiques dans le texte, sont soit des parties oubliées, soit des erreurs relevées dans la transcription de Gustave de Burdin, par comparaison au manuscrit original du curé Mingaud. Dans les notes de bas de page, il n'a pas paru nécessaire de présenter les personnalités très connues de cet épisode (Cavalier, Rolland, de Montrevel, de Bâville, etc…).


M. l’abbé du Cheyla [1] L’an mil sept cent deux, et le vingt-quatrième jour du mois de juillet, noble François de Langlade du Cheyla, diocèse de Mende, inspecteur et archiprêtre des Cévennes de Mende, recommandable non seulement par son esprit extraordinaire, qu’il avait cultivé par les belles lettres, mais encore par son zèle infatigable pour le salut des âmes, qui lui avait fait traverser les mers, pour annoncer l’Evangile dans le royaume de Siam, et qui l’avait attaché aux Cévennes de Mende pendant quinze ans, pour travailler à la sincère conversion des nouveaux convertis, fut martyrisé pour la foi au Pont de Montvert, la veille de St. Jacques apôtre, environ sur les dix heures du soir, par une troupe de scélérats fanatiques, lesquels ayant projeté une sédition, avaient résolu de faire mourir tous les prêtres et tous les bien convertis, qui ne voudraient pas se joindre à leur troupe, et faire prêcher des ministres dans toutes les églises. Ils crurent de pouvoir venir facilement à bout de leurs pernicieux desseins, s’ils commençaient par le chef de tous les prêtres de ce pays, qu’ils regardaient avec raison comme le fléau de leur secte détestable.

L’impie roturier, nommé Esprit Séguier [2] de la paroisse de Cassagnas, insigne par ses crimes, et surtout par ses impuretés, ayant quitté sa femme depuis un an, pour entretenir un commerce scandaleux avec une malheureuse qui le suivait, était le prédicant de cette bande ; il tombait, tremblait, écumait, sanglotait, etc., et après tous ces mouvements, il prononçait ce qu’il prétendait lui avoir été inspiré par le Saint-Esprit. Tous ceux de l’assemblée écoutaient ses paroles comme des oracles, et tâchaient de les exécuter fidèlement. Dans toutes les assemblées, ils se trouvèrent plusieurs fanatiques qui prophétisaient, mais il était le plus distingué de ces montagnes. Cette troupe tumultueuse alla fondre tout à coup, sur la maison où était logé ce saint missionnaire, avec des cris effroyables, enfoncèrent la porte, brisèrent l’autel où ce saint prêtre avait offert le même matin le sacrifice du corps de Jésus-Christ, et où il avait sans doute offert le sien en holocauste ; mirent le feu à la chapelle après avoir enlevé le calice, et craignant de monter à la chambre au dessus de la chapelle où était cet inspecteur, y mirent le feu. Ce saint prêtre sachant que les armes des ecclésiastiques sont la prière, défendit à ses deux valets de tirer, voyant qu’ils étaient en défense ; se retira dans un cabinet où il les entendit en confession, et y pria jusqu’à ce qu’ayant une partie du corps brûlée, il essaya de se jeter d’une fenêtre en bas, où ces scélérats se ruèrent sur lui comme des loups sur une brebis, le conduisirent sur le pont avec des grands cris de joie, le traitant de « bougre », « chien » et autres injures atroces, lui promettant la vie s’il veut se ranger de leur parti et prêcher avec eux ; il les regarda d’un œil d’indignation (car dans toutes ses conversations et même ses prédications, qu’il faisait jusqu’à quatre fois par jour, dans ses visites fréquentes, allant de paroisse à paroisse, il ne pouvait s’empêcher de témoigner l’horreur et l’aversion qu’il avait pour l’huguenotisme [3] et pour le fanatisme).
« Vous ne me connaissez pas sans doute » leur dit-il « quelle doctrine prêchez-vous, pour me proposer de la suivre ? Je ne vous demande que le temps de faire un acte de contrition ».
Ce que Dieu, qui ne lâchait la bride qu’autant qu’il voulait à leur rage lui accorda. Que cet acte dut être parfait ! Ils lui tirèrent deux ou trois coups de fusil dans le ventre et aux reins ; ce saint prêtre voulant sans doute lever les mains au ciel pour prier, on lui coupa le poignet de la gauche, ne tenant que la peau, et les quatre doigts de la même main furent à demi coupés d’un autre coup de sabre ; ce beau corps fut percé de coups de poignards, comme celui de St. Sébastien fut percé de flèches. Tous ces malheureux voulant avoir part à cette action barbare, piquaient de le percer à l’envie ; sa tête était si meurtrie, que le curé de St. Etienne (qui écrit ces choses devant Dieu, qui sait qu’il ne ment point en cette occasion), voulant lui mettre une coiffe, trouva qu’en prenant les cheveux on levait des lambeaux de peau qui ne tenaient à la tête que par le sang figé. Ils avaient surtout affecté de déchiqueter la couronne, que ce saint prêtre avait fait gloire de porter depuis sa prêtrise, aussi bien que l’habit ecclésiastique, avec tant de fidélité… On lui avait encore percé les lèvres qui avaient si souvent annoncé les vérités évangéliques ; je peux rendre un témoignage fidèle de ces blessures, puisque j’ai eu l’honneur de vêtir ce bon ami des habits sacerdotaux, suivant la rubrique, comme il m’avait souvent dit pendant sa vie, et recommandé.

- Comme pasteur des âmes, il avait un soin tout particulier d’orner les églises. Il repaissait ses ouailles de la parole de Dieu, non seulement dans l’église, mais encore dans les villages, où il allait faire le catéchisme, et trouvant quelque berger, ou personne grossière de la campagne, il tâchait de l’instruire en langue vulgaire [4] des principes de notre Sainte Religion, et des obligations de son état. Il tâchait de leur donner bon exemple en tout. Il allait les visiter lui même, étant malades, et leur donnait les sacrements, faisant voir sa libéralité en secourant les pauvres, du linge, de viandes pour les bouillons, et autres choses nécessaires. En l’an 1691 le mois de décembre, y ayant 80 malades dans la paroisse de St. Croix, et ne pouvant y aller lui même, y envoie sieur Castanet, à présent prieur des Balmes, et celui qui écrit ces choses pendant un mois, envoyant toutes les semaines plusieurs moutons, des volailles, du salé en profusion, et du linge pour secourir ces pauvres malheureux.

- Comme archiprêtre et inspecteur, il témoignait un zèle et un travail infatigable, étant dans un mouvement perpétuel, ayant des entrailles de père pour tous ceux qu’il voit être dans le sentiment de se corriger, et étant ferme à l’égard des obstinés. On lui avait souvent dressé des embûches, qui ne l’empêchaient jamais d’agir, et il disait souvent par un principe d’humilité, qu’il se croyait perdu, à moins que Dieu ne lui fit la grâce de mourir pour le soutien de la foi qu’il annonçait. Il était le père de tous les prêtres et ecclésiastiques, qu’il corrigeait d’une telle manière, que ses avertissements étaient toujours bien reçus. Il les recevait tous indifféremment dans sa maison, avec une cordialité et charité sans égale, se faisant un plaisir singulier de bien les nourrir. Se disposant de les recevoir à toutes les conférences ecclésiastiques, sans qu’il voulut jamais recevoir d’eux aucune rétribution. Il avait une tendresse toute particulière pour les bons ecclésiastiques, qu’il tâchait de placer dans les bénéfices. Il souhaitait si fort de remplir ce pays de bons prêtres, que se confiant à la divine providence, il fit un séminaire de sa maison à St. Germain, qu’il entretint plusieurs années, et l’aurait encore entretenu, si le démon envieux d’un si grand bien, n’eut suscité des oppositions qui furent insurmontables.

Il y avait environ 30 enfants, nouveaux convertis des Cévennes, et autant des ecclésiastiques, qu’il tenait à une pension très modique, et plus de vingt ne payaient point : il était le premier à garder les règlements, tant que les occupations de son emploi lui permettaient de rester. Il y appelait les curés pour la retraite annuelle : et voulait avoir un second qui put conduire la maison en son absence, ne fit pas de difficultés, de se dépouiller en faveur d’un prêtre, d’un seul bénéfice simple de cent écus qu’il avait eu de son oncle.
Quoiqu’il fit du bien au général et au particulier, Dieu qui ne voulait pas le récompenser en ce monde, permit qu’il eut des oppositions étranges pour le bien qu’il faisait. Les affronts qu’on reçoit des méchants font souvent honneur, mais ceux des gens de bien constitués sont très sensibles. Cet abbé eut des oppositions des gens du commun, et des personnes du premier rang, ayant plusieurs fois envoyé à la Cour des mémoires infâmes contre sa conduite, l’accusant des crimes les plus noirs. Les ecclésiastiques qu’il avait élevés gratis dans son séminaire, lui ont fait une cruelle guerre, sans que jamais il ait désisté de ses entreprises, ni de rendre le bien pour le mal, dans toutes les occasions. Il donnait tout son bien, et on l’accusait de piller le public. Il aurait pu amasser de l’argent pendant quatorze ou quinze ans de son inspection, et à sa mort, il ne s’est pas trouvé un seul écu pour son enterrement, les cinq cents écus qu’il lègue aux pauvres, devant se prendre sur sa maison, et les huit lits garnis pour les pauvres de St. Germain, sur ses meubles. Il mourut âgé d’environ soixante ans, et fut enterré dans le tombeau qu’il s’était fait bâtir à l’église de St. Germain, ce tombeau est double, et il fut mis dans celui qui est le plus proche de la chapelle de St. Joseph, à la gauche en entrant au chœur. J’ai omis qu’il employait son génie à accommoder les procès de tout ce pays, Dieu lui avait donné un talent tout particulier pour cela.

- Je n’ose pas entreprendre de rien dire de ses vertus héroïques. Elles sont connues au public. Comme prêtre il récitait offices et célébrait la sainte messe, avec une dévotion exemplaire. Il avait tant de soin de conserver sa chasteté si essentielle à cet état, qu’il ne regardait jamais en face aucune femme, ni fille, et quoiqu’il fut si agré dans les conversions [5]; d’abord qu’il y avait des personnes du sexe, il paraissait tout interdit et stupide ; et sachant que le vin allume la concupiscence, il ne faisait ordinairement que rougir l’eau [6]; craignant avec St. Paul d’être damné en prêchant aux autres, il châtiait rudement son corps, non seulement par des voyages à pied, lorsque ses forces lui permettaient pendant les quatre ou cinq premières années de sa mission, mais encore par une cilice et de fréquentes disciplines : je l’avais souvent surpris dans ces actions de mortification. Il jeûnait très souvent dans les avents, les vendredi et samedi ; il avait une dévotion particulière à la très Sainte Vierge, à l’honneur de laquelle il récitait son chapelet tous les jours. Sa charité était admirable. Je lui ai vu tirer ses habits de dessous pour en revêtir les pauvres, il ne connaissait point d’action de charité dans laquelle il ne voulut entrer avec une libéralité magnifique…[7]

M. le curé de Frutgères Le 25 juillet 1702, cette même troupe passa par Frutgères [8], tua M. Reversat, curé dudit lieu, pilla et brûla sa maison, renversa les autels et emporta les ornements de l’église.

M. de Boissonade, curé de St. André de Lancize Le 27 dudit mois, ils furent à St. André de Lancize, firent leur possible pour brûler l’église, qu’ils pillèrent après avoir renversé les autels et brûlé les croix ; pillèrent pareillement la maison de messire Jean Boissonade, curé dudit lieu ; montèrent au clocher où ils trouvèrent ce saint prêtre entendant en confession Jean Parent, acolyte, son maître d’école, qui se préparait à la mort. Ils jetèrent ce saint pasteur du clocher en bas, lui coupèrent le nez avec toutes les lèvres du dessus, lui coupèrent une mâchoire, lui appuyèrent le fusil au col, pour lui couper la gorge et lui brûler le visage avec la poudre. Il avait plusieurs autres coups de fusil de fusil et de dagues par tout le corps, que je n’eus pas le temps de vérifier, craignant que ces scélérats, qu’on disait être encore sur la montagne qui domine le lieu, ne descendissent. Nous l’enterrâmes vers le milieu de la nef de son église.
J’avais connu ce saint martyr fort particulièrement, pendant mes études de théologie et pendant le temps de son séminaire, qu’il fit dans la maison de l’illustre abbé du Cheyla, où il prit tous ses ordres. Il me servit de sous-diacre à la messe de l’enterrement de notre père abbé, et le soir en nous quittant et nous embrassant à St. Germain, il me dit les larmes aux yeux, qu’il s’estimerait heureux, s’il pouvait mourir de la même mort de notre inspecteur. Son désir fut exaucé dix heures après.

- Jean Parent, acolyte Je trouvai Jean François, le maître d’école, qu’ils crurent d’avoir tué, tout couvert de blessures et de son sang, auquel par dérision on avait coupé les parties, que la pudeur ne permet pas de nommer, Dieu voulut le laisser vivre onze jours après son curé, et lui faire souffrir de douleurs inconcevables, qu’il endura avec une patience héroïque, priant toujours pour ses bourreaux. Nous le mîmes entre les mains d’un chirurgien. Il fut enterré dans le cimetière de la dite paroisse, n’ayant pas trouvé suffisamment de terre dans l’église.

Michel, valet de l’abbé du Cheyla Le nommé Michel, valet de l’abbé du Cheyla, mourut le septième août, et fut enterré à Fraissinet, étant mort au Pont de Montvert, où il fut blessé pour n’avoir pas voulu quitter son maître. Il reçut tous les sacrements d’une manière fort exemplaire.

Le sieur Roux Le sieur Roux, maître d’école, qui fut massacré dans la chapelle sur l’autel, dans le même temps que notre inspecteur fut martyrisé ; il fut enterré à Frutgeres avec le rentier de la maison où était logé M. l’abbé [9] .

La Devèze Le 28 [10] , ces scélérats furent au château de La Devèze, paroisse de Molézon, où ils firent mourir messieurs de La Devèze et de Nougeirol [11] , frères , deux gentilshommes très sages et craignant Dieu. Ils firent ensuite sauter la cervelle à Melle Marthe [12] , leur sœur âgée d’environ 25 ans, la plus jeune de la famille, fille d’une grande vertu. Ces trois enfants furent égorgés en présence de leur mère [13] , qui les exhorta à la mort, qu’elle souffrit la dernière, avec une constance et une fermeté admirable, âgée d’environ 70ans…M. de la Grèze, oncle de ces messieurs, y fut encore tué avec un fils d’un des rentiers. J’avais souvent entendu en confession ces deux demoiselles[14] , dont la vie était si réglée, et toute la famille vivait si religieusement que, sortant de cette maison, j’étais dans l’admiration, et en même temps dans la confusion, voyant plus de vertu dans une maison de laïques, que celle de plusieurs prêtres. Presque tous les prêtres des paroisses écartées abandonnèrent leurs églises, jusqu’à ce que ce grand feu fut apaisé. J’ai cru devoir faire un petit récit fidèle de ces cruautés, afin que ceux qui les liront dans la suite, comprennent jusqu’où se peut porter la fureur des hérétiques, et combien ils sont dignes de compassion. Mingaud curé.
Les rapports des chirurgiens, et les procédures qui ont été faites, pourraient justifier de tous de tous les faits que j’ai avancés. Ce 8 août 1702, je ne doute pas que quelque prêtre zélé ne donne au public tout ce qui s’est passé.

Le Collet de Dèze Le 27 août, le nommé Laporte [15] , de Branoux, ayant quitté la qualité de marchand de pourceaux, pour prendre celle de colonel de La Courtine, fut au Collet avec une centaine de ces bandits, où M. Ravayre, curé, trouva moyen de passer par une fausse porte, ils ravagèrent sa maison et la pillèrent.

Molézon Quelque temps après, ils brûlèrent la maison presbytérale de Molézon ; M. Gely, curé, en étant absent, ravagèrent l’église, ne pouvant la brûler. Il est à remarquer qu’ils épargnèrent un beau tableau de l’Assomption de la Sainte Vierge, à laquelle cette église est dédiée, se contentant de briser le cadre, quoiqu’ils déchirassent avec rage et fureur tous les autres tableaux. Ce tableau avait été donné à cette église par l’illustre abbé du Cheyla, lorsqu’il en était prieur. Le lendemain ils brûlèrent trois églises du diocèse d’Alès.

M. le prieur de St. Martin de Boubaux Le 28e août, ils arrivèrent à St. Martin de Boubaux, dirent à M. Gilles de La Pise, prieur dudit lieu, de leur ouvrir les portes. Ce qu’il fit, leur rendit quelques armes, les fit boire et manger, après quoi ils mirent le feu à l’église non voûtée, pillèrent sa maison et y mirent le feu ; ils dirent à ce bon prêtre qu’il devait rougir de honte de rester dans une église qui était la Babylone et la prostituée dont parle Saint Jean dans l’Apocalypse, qu’il croyait à la parole des hommes ; et dans le temps que ce bon vieillard, âgé d’environ 75 ans, leur dit avec fermeté, qu’il aimerait mieux mourir, que de préférer la parole des hommes à celle de Dieu, on lui tira trois coups de fusil à l’estomac, après lui avoir dit plusieurs fois de prier son Dieu. Il tomba raide mort, et ceux qui le levèrent ensuite, trouvèrent sous lui les balles qui l’avaient traversé. On lui donna encore quelques coups de poignards. Les parents de M. le prieur éteignirent le feu de la maison, où il y eut quelques papiers brûlés. La divine miséricorde qui éclate en certaines personnes, permit que ce prêtre qui s’était absenté pendant ces troubles, se contentant d’aller faire ses fonctions les dimanches et fêtes, eut deux garçons de sa paroisse qui y étant malades, ou plutôt se feignant de l’être pour l’obliger à rester, le prièrent de ne les quitter point ; la charité de ce bon pasteur le fit résister généreusement aux pressantes sollicitations d’un parent et bon ami, qu’il avait dans le lieu de St. Etienne, où il voulait l’obliger de revenir l’avant-veille de sa mort. Ce martyr de la charité avait offert le matin même le saint sacrifice de nos autels. Il s’était aussi offert lui même, et avait dit quelques jours auparavant, qu’il ne voulait pas manquer à son devoir, pour prolonger sa vie de quelques années. Cette fin glorieuse le justifie des crimes qu’on lui avait autrefois imposés [16] , ou s’il les avait commis, il a eu l’avantage de les expier d’une manière si efficace. Il fut enterré dans son église, revêtu des habits sacerdotaux.

Lamelouze La même nuit on brûla l’église de St. Cécile de Lamelouze, non voûtée. On y brûla une maison du prieur, qui eut le temps de se cacher derrière une haie. On y prit le nommé Bastide, on lui reprocha d’avoir porté des lettres contre eux à M. l’Intendant, et après l’avoir conduit un grand quart de lieue, on l’égorgea au milieu d’un grand chemin. Nota : que le jour de Toussaint de l’année précédente 1701, on trouva un chien crucifié à une croix plantée au devant de l’église de ladite paroisse.

3 soldats Peu de temps après, ils tuèrent trois soldats dans la paroisse de Saint Paul, diocèse d’Alès, qui levaient des contributions. Ils manquèrent le prieur de cette paroisse, lui pillèrent sa maison et l’église, qu’ils ravagèrent comme les autres. Nota : cette maison fut ensuite brûlée.

nota c’est un fait connu, que le consul de Ners, dont il est parlé par la suite, alla au devant des fanatiques, voyant qu’il ne pourrait pas se sauver. «je sais » leur dit-il « que vous me cherchez, me voici prêt à mourir pour ma religion ». On le presse d’y renoncer et résiste, quoiqu’on lui promit la vie. Il obtint le temps de prier Dieu, et d’offrir sa vie, après quoi il leur dit « tuez quand il vous plaira ».

Le curé quoique poignardé, voulant sortir à la nage de la rivière, où on l’avait jeté, se prit à la barque avec les mains, qu’on lui coupa à coup de sabre.

Curé de Deaux Audit diocèse d’Alès, M. le vicaire de Deaux et le consul de Ners [17] , furent jetés dans une rivière, après avoir été poignardés [18] . C’était vers le 27e octobre, et la maison du sieur Gervais de Falguières [19] , fut brûlée. Nota, touchant ledit consul page six[20] .

St. Frézal, St. Privat, St Hilaire Les églises de St. Frézal, de St. Privat, de St. Hilaire, y furent pareillement ravagées. Dans la dernière, il y avait un tabernacle d’environ 400 livres. La maison presbytérale de St. Privat fut brûlée, et la grange du prieur de St. Hilaire.

St. Julien d’Arpaon, le sieur de Lapierre Vers le 18e octobre, on brûla la maison de M. le curé de St. Julien d’Arpaon et celle du sieur de Lapierre, notaire, après avoir emporté jusqu’aux serrures des portes. Le sieur de Lapierre, reçut en fuyant un coup de fusil qui lui emporta une partie de la mâchoire. Il ne mourut pourtant pas de cette blessure. Sieur Salomon Gardès, nouveau converti, aussi bien que ledit de Lapierre, jeune homme de 25 ans, y fut poignardé, parce qu’il avait été souvent avec l’illustre abbé du Cheyla, et servi de greffier aux subdélégués de M. l’Intendant, dans les procédures qu’on avait faites. L’église dudit St. Julien eut le même sort des autres.

St. Laurent, Comandré La même nuit, ils furent à St. Laurent de Trèves, près de Florac, y brûlèrent la maison de M. Encontre, prieur dudit lieu, et l’église autant qu’il fut en leur pouvoir, et étendirent sur le grand chemin le nommé Comandré [21] , paroisse dudit St. Julien, après l’avoir poignardé ; nouveau converti qu’ils avaient pris dans sa maison. Ce bon homme, âgé d’environ 60 ans, avait resté cinq ou six ans dans le quartier de Droubies de cette paroisse, où il m’était d’un grand secours par les avis qu’il me donnait, et par ses exhortations aux plus opiniâtres ; et sans se diviser, ils furent au village de Nozières, paroisse dudit St. Laurent, y pillèrent quelques maisons et brûlèrent celle du sieur Dupuy, n’ayant pas pu le prendre lui même, que le voulant aussi tuer, parce qu’il paraissait bien converti, et bien intentionné pour la religion.

Consul de Molézon, Pompidou Le 17e octobre, ils prirent le sieur de Malhérac, consul de Molézon, qu’ils poignardèrent voyant approcher les troupes du roi, et furent enlever la munition de guerre du corps de garde du Pompidou.

St. Andéol de Clerguemort Le 27, on brûla l’église et la maison presbytérale de St. Andéol de Clerguemort, la maison d’un nommé Pascal, et l’on y tua le sieur Donzel, nouveau converti, après l’avoir tiré deux cents pas hors du lieu.

St. Michel Le 10e novembre, la maison de M. Roux, fort belle fut brûlée avec son église, dédiée à S. Michel, qui était fort propre ; belle chaire, confessionnaux ; les ornements réfugiés chez la veuve de Francézon, furent aussi brûlés.

Pratlong, La Pélucarié Le 12e novembre 1702, la maison du nommé Pratlong, pensionnaire de La Pélucarié, paroisse de Notre Dame de Moissac [22] , fut brûlée avec ses effets ; trois filles dudit rentier, fort craignant Dieu, y reçurent la couronne de martyr ; l’une reçut un coup de fusil et fut ensuite assommée à coups d’une grosse barre ; on fit brûler l’autre dans un four, et la troisième fut brûlée avec les meubles de la maison ; on ne trouva que quelques ossements : le père et la mère fuirent à St. Etienne.

Moissac La même nuit, les maisons de M. Moulet curé de Moissac, furent brûlées avec la porte de son église ; le bruit qu’on fit au château où ledit sieur curé était réfugié, en l’absence du seigneur, donna la fuite à ces bandits.

Femme de Gély Le 29e novembre 1702, la femme de Gély du Mazel Rozade, paroisse de St. Germain, étant dans le travail de l’enfantement, fut poignardée par les nommés Couderc dudit lieu [23] , ses proches parents, et entièrement consumée dans l’incendie de sa maison ; on ne trouva que les entrailles et l’enfant au milieu. Un petit garçon de dix ans fut pareillement poignardé et brûlé, voulant se jeter sur sa mère, pour la mettre à couvert de la rage de ces malheureux Couderc, accompagnés d’une trentaine de bandits. L’aîné dudit Gely s’échappa après avoir été blessé ; on le poursuivit un quart de lieu ; le père se sauva par quelque fenêtre.

Les Crémats Le 9e décembre 1702, ils pillèrent les maisons du sieur Castanet des Crémats, de cette paroisse, celles de Castanet de St. Martin de Boubaux, et de Maurel d’Espinassounel. Quelque temps auparavant, une bande passa par Droubies, et alla joindre la troupe, qui tua le sieur Vincent, capitaine, avec trois ou quatre soldats, qui étaient en quartier à Mandajors. Ils se battirent au dessus de Pereyret.

Sérignac Le 23e novembre, ils avaient brûlé l’église de Sérignac, dans laquelle ils brûlèrent deux hommes qu’ils attachèrent ensemble, la maison curiale et celle d’un ancien catholique qui fut grièvement blessé. La même nuit, l’église de Bragassargues, avec les maisons de quatre anciens catholiques. Tout cela est proche de Quissac.

Mialet Vers le 9e décembre, les églises de Mialet, avec trois hommes et trois maisons, celle de Peyrolles, avec la maison curiale, et le sieur Daudé, père du prieur, avec un valet, l’église de Générargues et celle de St. Sébastien, furent brûlées.

St. Martin, St. Privat Le 15e, les maisons du sieur de la Rouvière, maire de St. Martin (de Lansuscle), celle du sieur Bastide, de ladite paroisse, furent brûlées. La maison du sieur Verdeilhan, notaire de St. Privat, eut le même sort. Cet homme y fut tué, et ensuite brûlé avec un de ses voisins boiteux, pour avoir découvert une assemblée. En même temps, trois exprès [24] que M. de Broglie, commandant dans la province, envoyait du côté de Vézénobres, furent tués.

Sauve Vers le 10e janvier 1703, ils entrèrent dans Sauve en plein jour, où ils brûlèrent l’église, y tuèrent le curé, deux secondaires [25], et un capucin, brûlèrent deux ou trois maisons, et tuèrent autres quatre ou cinq personnes.

Poul Le 12e dudit, M. le comte de Broglie, commandant dans la province, les rencontra entre Lunel et Nîmes, assez près de Candiac, où ils avaient resté prés de vingt-quatre heures pour se rafraîchir. N’ayant pas assez de troupes, le colonel Poul y fut tué avec quinze de ses dragons, et M. Dourville blessé à la tête. Ce dernier est capitaine des dragons. On dit que ces bandits étaient 700 attroupés.

St. Maurice Le 6e janvier 1703, ils brûlèrent l’église de St. Maurice de Ventalon, et la maison du prieur, le lendemain du départ des troupes.

St. Martin de Lansuscle Le 16e janvier 1703, ils brûlèrent l’église de St. Martin de Lansuscle, la maison de M. le curé, et celle de M. du Campel, avocat de ladite paroisse.

St. Jean Le 18 courant, insultèrent aux habitants de St. Jean de Gardonnenque [26], et ne pouvant les obliger à sortir, ils brûlèrent le château de M. de Lavalette, et une maison du sieur Viala, à soixante pas du lieu, et tuèrent dans la même nuit quatre hommes des environs, et enlevèrent le consul de Mialet.

Poulx Le même soir de la mort du sieur Poul [27], colonel des dragons, ils allèrent à un village nommé Poulx, à une lieue de Nîmes, où ils brûlèrent dix ou douze maisons, et tuèrent quinze personnes. Ce village de cinquante maisons, est ancien catholique.

Nota Le 19e, ils ôtèrent du côté de St. Roman, six cents écus à quelques marchands du Rouergue.

Cendras Le 20e, ils brûlèrent l’abbaye de Cendras, quatorze maisons à la Blaquière, et tuèrent dix personnes. Cendras n’est qu’une vieille masure.

St. Roman Ce même soir, ils brûlèrent la maison où le curé de Moissac s’était retiré, à St. Roman. Il vint se réfugier ici, étant sauté par une fenêtre, et deux compagnies n’ayant osé l’empêcher, abandonnèrent le poste le lendemain…Le même soir ils brûlèrent une maison à Saumane.

Moissac Le 20, ils brûlèrent le château de la baronnie de Moissac.

Gabriac Le 23, ils brûlèrent l’église et la maison du prieur de Gabriac, et le château de M. de Brissac. Le même jour, le château de Valescure près de Peyrolles. A noter que ledit château avait été rasé, il y a douze jours pour avoir retiré un prédicant nommé l’Allemand[28].

Ste Croix Le 24, les troupes du roi abandonnèrent le Pompidou et Ste Croix, pour se retirer à St. Etienne ou à Barre. Le même soir, après leur départ, les fanatiques ont brûlé l’église et maison claustrale de Ste Croix, le château dudit lieu, les maisons des sieurs Giscard, Pintard, et de la nommée Marie, proche du pont.

Maletaverne La même nuit du 20, ils furent à Maletaverne, près de la Blaquière, y brûlèrent aussi quelques maisons et tuèrent douze personnes, huit de la même famille, une femme enceinte, et trois petits enfants dans le lit, les enveloppèrent dans la couverture et dans les draps, après quoi, ils mirent le feu au lit et à la maison. La même nuit, ils coupèrent les mamelles à une fille, les extrémités des mains et des pieds, lui tordirent et disloquèrent les bras, et la jetèrent dans une auge à cochons, après lui avoir brisé les mâchoires et arraché la langue, disant qu’elle avait mal parlé de leur conduite.

St André Le 26, ils furent à St. André de Valborgne, où ils prêchèrent, et se rafraîchirent comme ils voulurent ; ils firent cela trois fois. L’église brûlée… [29]

Génolhac Le 30e janvier 1703, ils brûlèrent le couvent des R.P. Jacobins, à Génolhac, la maison de M. le curé et celle du sieur de la Condamine ; et on y tua un officier des troupes, avec sa compagnie, qu’ils brûlèrent dans leur caserne. Quelques jours auparavant, ils prêchèrent et tinrent leurs assemblées aux églises de Ste Croix et de Moissac, comme ils avaient fait deux fois à St. André.

St. Etienne Le 1er jour de février 1703, après avoir envoyé beaucoup de menaces aux habitants du bourg de St. Etienne, ils brûlèrent la maison que Jean Dumas de la Combe avait à Andajac, où le nommé Malard était rentier.

Droubies Le six, ils couchèrent à Droubies, au nombre de 250, lièrent Jeanne Castanet, femme d’Antoine Chantagrel, rentier de l’Esclopier, et lui appuyèrent trois ou quatre fusils pour la tuer, parce qu’elle avait quelques images de Notre Seigneur, de la Ste Vierge, et qu’elle ne voulut pas promettre de ne plus venir à l’église. Dieu la conserva cependant, par les sollicitations de son mari.

St. Félix Le 7, ils brûlèrent l’église de St. Félix, diocèse d’Alès, et autres dont je ne me souviens pas du nom, avec le château dudit lieu.

Espinassous Le 8e jour, le lundi, ils arrivèrent à Espinassous au nombre de quatre ou cinq cents, y restèrent vingt quatre heures, tenant tout le Mazamalric et Serres, y mangèrent et burent sans tenir d’assemblée, emportèrent environ vingt salmées de châtaignes, du sieur Delon, fermier de la dîme, enlevèrent les chevaux de M. de Leyris, du sieur Soulier de St. Germain, et huit ou dix mulets de la paroisse ou d’ailleurs ; emmenèrent les trois garçons d’Huc du Passadou, dit Boujeron, celui de Jacques Metge, maçon, et autres ; ils lièrent Elie Bonnal, tisserand, du Mas de Travers, qu’ils égorgèrent sur la montagne de Vieilles Mortes, avec un sergent d’Anduze. Ledit Bonnal fréquentait les sacrements, et sa famille, depuis quatre ans, d’une manière exemplaire. Nota : Que les voisins dudit Bonnal, voyant des fanatiques attroupés, n’osèrent pas le porter à St. Etienne pour l’enterrer, mais ils l’ensevelirent à l’Espinassous.

Vebron Le 10, ils brûlèrent l’église de Vebron et la maison curiale, y restèrent publiquement, et y tinrent des assemblées où toute la paroisse et voisinage assista.

Meurtres Deux hommes avaient été pareillement égorgés du côté d’Anduze, quelques jours auparavant. Quatre muletiers furent tués du côté du Pompidou – dont l’église fut brûlée – des provisions de carême pour Mgr. de Mende [30] enlevéesquelques jours après les porteurs arrêtés. Un détachement fut défait du côté de Nîmes, ces fanatiques s’étant embusqués.

Incendies Trois ou quatre villages furent incendiés tous proches de Nîmes, et à Chamborigaud quinze ou vingt maisons brûlées, et un grand nombre de gens de tous âges et de tous sexes égorgés.

Cruautés Un grenadier malade, logé chez moi le 1 mars 1703, de Viviers, Sage, m’assura avoir vu une femme que les fanatiques avaient pendue à un arbre, après lui avoir fendu le ventre pour lui arracher l’enfant qu’ils jetèrent au feu.

Génolhac Ils furent plusieurs fois à Génolhac, où ils exercèrent de grandes cruautés, les derniers jours de février 1703 ; il s’y était fait un gros [31] de gens ; les paroisses entières, sans excepter les vieillards, y étaient accourues en foule ; ils voulaient s’y fortifier, et y avaient cinquante chevaux ou mulets, pour y porter toutes les denrées du voisinage, le commerce étant entièrement rompu. M. de Julien, maréchal de camp, y allant d’un côté, et un détachement de 500 hommes de l’autre, pour les investir. Ces malheureux se dispersèrent pour quelques jours.

St. Etienne Les 500 couchèrent à St. Etienne en pure perte, en venant, et ruinèrent la plupart des habitants.

Droubies La même nuit que les troupes du roi étaient ici, les fanatiques furent à Droubies, où ils couchèrent tranquillement, et n’en partirent tambour battant qu’après avoir dîné. Quelques jours auparavant, la ville d’Anduze fut dans de grandes craintes ; les fanatiques brûlant un château tout proche.

Fraissinet de Fourques Vers le 20e février 1703, tout Fraissinet de Fourques fut brûlé, beaucoup de femmes et enfants égorgés, les hommes se défendirent généreusement. Ils arrachèrent les enfants d’entre les bras des mères pour les égorger. Une mère, empoignant l’épée nue pour garantir son enfant, eut les quatre doigts coupés ; elle reprit la même épée de la main gauche, et reçut pareille blessure ; et n’ayant plus les mains libres, ce bourreau put percer l’enfant et le sein de la mère d’un seul coup. Il y eut environ cinquante personnes de tuées ou de blessées.

Chamborigaud Le 15 mars 1703, il n’y avait que trois feux dans Génolhac, tout le reste ayant été dissipé. Dans le temps de la destructionde Génolhac, les fanatiques brûlèrent l’église et maison claustrale de Chamborigaud. Quelques jours après, ils brûlèrent, dans ce vallon, 14 maisons ; et y tuèrent 57 personnes, parmi lesquelles se trouva un enfant de trois jours, qui n’ayant pas reçu le baptême d’eau, reçu celui du sang ; on lui coupa le visage à coups de sabre, et l’étendit ensuite sur le sein de la mère morte ; ils égorgèrent ce même jour 7 muletiers, qu’ils étendirent au travers du chemin.

St. Etienne Le 17e mars 1703, noble Jacques de Cabiron, âgé d’environ 22 ans, fils à M. de Solpérières [32], fut tué par une troupe de fanatiques au pont de Salindres, entre St. Jean et Anduze, l’accusant d’un trop grand zèle pour la religion catholique [33], dans laquelle il avait été élevé [34] pendant plusieurs années, dans le séminaire de l’illustre abbé du Cheyla ; ce jeune homme venait de Nîmes, où il s’était rendu avec le reste de la noblesse de ce pays, par ordre de M. le maréchal de Montrevel ; on lui arracha un œil, on lui fendit le crane, et lui tirèrent un coup de fusil au cœur ; on le laissa nu sur le chemin.

Vézénobres Entre la Calmette et Alès, un détachement de Tournon fut attaqué par les bandits ; les habitants des villages voisins se joignirent à eux, et environ 30 soldats y périrent. Quelques jours après, idem, vers le 22 mars, une recrue allant vers St. Jean, fut encore battue, et une compagnie des grenadiers qui l’escortait ; ils pillèrent partout.

Nota Ces prétendus prophètes annoncent , de la part de Dieu, que tous les biens étant à lui, il veut les donner à ses enfants, qu’ainsi ils peuvent prendre sans pêcher. Ils mènent une vie abominable, les filles couchant librement et sans honte avec les garçons qu’elles aiment ; cela est notoire. A l’Esclopier, une se mit au milieu de deux ; et à Saumane, deux filles se mirent avec quatre garçons, soutenant qu’ayant parlé à Dieu, il n’y a pas de mal.

Ganges Les habitants de cette ville là, ne pouvant ou ne voulant pas résister, les fanatiques y entrèrent ; leur prêtre fut noyé en fuyant.

Lunel Vers 18e mars, un prêtre allant voir M. de Montrevel, fut pris, conduit dans son église, où il fut brûlé. Dans le mois d’octobre 1702, M. le curé de St. Jean de Ceyrargues [35], promoteur d’Uzès, fut poignardé par ses paroissiens, auxquels il s’était toujours confié.

- Vers le 15e avril 1703, deux anciens catholiques furent pris du côté de Cardet et massacrés. Ils avaient auparavant brûlé le château de M. de Montalet, du côté d’Alès, et plusieurs autres maisons au village.

- Le lundi 16 avril, une troupe d’environ 800 de ces rebelles, se mit en embuscade au village du Pradal, paroisse de Cassagnas, pour tirer dessus le régiment de Marcilly [36], et un détachement de 250 hommes, commandé par M. de Pomponne. Nos troupes en tuèrent une vingtaine, et leur prirent 18 fusils.

- Le mercredi, 18e avril 1703, on tint une assemblée à las Visettes [37], paroisse de Mialet ; un prétendu prophète tombant, dit qu’un de la troupe devait être tué ; le sort tomba sur Jean Chantagrel [38] de l’Esquinade ; on lui coupa la tête après l’avoir poignardé, en présence de Lucrèce, sa fille qu’il avait menée à l’assemblée.

Les Salles du Gardon Le 23 avril 1703, Cavalier chef d’une grande troupe de rebelles, tomba dans le village des Salles du Gardon, du côté d’Alès, où il tua 18 personnes ; ce village ancien catholique, crut que c’était de nos troupes, les voyant arriver. Le même jour il en avait fait massacrer sept ou huit dans un autre lieu proche.

La nuit du 29 au 30 avril, ces malheureux furent rencontrés par nos troupes à Bagard [39], dont ils avaient brûlé l’église ; 4 officiers blessés à mort, 9 soldats restèrent sur place, et environ 30 furent blessés. Il y resta de ces malheureux 411.

Environ le 24e mai 1703, le nommé Gervais de Falguières, paroisse de St. Jean de Gardonnenque, fut poignardé de 30 coups de dagues par les fanatiques, et le bâtier [40] dudit St. Jean, rencontré en chemin fut enlevé et tué, ce dernier était ancien catholique.

Depuis ce temps là, on a tué un très grand nombre de personnes, un l’exprès de M. de Montrevel, comme je n’ai pas bien su le détail. J’ai omis d’écrire, sur le chemin de Montpellier à Vauvert, on trouva quatre hommes égorgés. Ces fanatiques pendirent sur des arbres quatre enfants de l’hôpital de Nîmes, qui étaient allés cherchés du bois ; la semaine dernière, vingt moissonneurs furent brûlés dans une grange, par ces infâmes.

Le 2e juillet 1703, Couret, sergent exploitant, fut tué du côté d’Escoute Se Plau.

Le 5e dudit, la maison du sieur des Camboux [41] fut brûlée ; le 13e dudit, le sieur Mates d’Appens, fut encore massacré.

Vers le 15e juillet, ils brûlèrent six maisons au Collet de Dèzes.

Vers la fin du mois, le sergent du sieur de La Devèze, conduisait un détachement de 18 hommes, les camisards embusqués sur le chemin de Barre, vis à vis de Vergougnoux, en tuèrent 10.

Vers le 15e septembre, 60 soldats du régiment de La Fare, furent investis et égorgés près de Durfort, par une troupe de 800 camisards.

Vers le même temps, le nommé Peytaud [42], un des huit envoyés par les Etats de Hollande, pour émouvoir une sédition générale, ayant été rompu à Alès, et le père et le frère de Cavalier pris, un village fort prés d’Alès, appelé Potelières fut brûlé ; il y eut 28 personnes de tuées, tous anciens catholiques.

Le lendemain, une métairie [43] du chapitre d’Uzès, vers le même endroit, fut brûlée, où il y eut 21 personnes de tuées, et Cavalier écrivit à M. de Montrevel, que s’il ne lui rendait son père, il viendrait le brûler dans le fort d’Alès.

Vers le 22, deux villages près de Sommières [44], furent brûlés, et plus de 100 personnes, parmi lesquelles il y avait beaucoup d’enfants, furent passées au fil de l’épée.

Ils ont continué leurs meurtres, vols et incendies, dans les villages catholiques de la plaine, n’en trouvant plus dans ce pays [45].

Le Crémat Le 14e octobre 1703, Jean Baptiste Castanet, mon paroissien, âgé d’environ 20 ans, fut pris par ces fanatiques, et l’ayant gardé 8 jours sans pouvoir l’obliger à renoncer à la religion catholique, le massacrèrent.

Nota [46] les mois de novembre et décembre 1703, les 32 paroisses des Cévennes furent brûlées.

Espinassous 1704 Au commencement de février 1704, le valet de sieur Bonnal, ancien catholique de St. Chely du Gévaudan, fut tué par les camisards à Vieilles Mortes ; le mulet du sieur Bonnal, et l’âne du sieur Dupras, enlevés.

Le même mois, Cavalier força Lézan, y tua quelques personnes, enleva vingt vignerons aux portes de Nîmes, et en tua sept.

Le 22 dudit , plusieurs métairies furent brûlées aux environs d’Anduze.

Nota Ledit jour, M. Vidal, prieur de Mialet, ci-devant curé de Florac, réfugié à Anduze, étant sorti à un jet de pierre, hors des portes de cette ville là, cinq cavaliers camisards traversèrent la rivière et vinrent fondre sur lui, lui tirèrent deux coups de pistolets, l’un à l’estomac, l’autre à l’épaule, et lui emportèrent partie du crane d’un coup de sabre.

Dans ledit mois de février, on enleva tous les vivres de la plaine, pour les fermer avec les gens dans les gros lieux où il y a des troupes, ne laissant qu’un berger dans les maisons.

Nota Le 15e décembre 1703, M. le Maréchal Montrevel donna une ordonnance qui défend à tous les nouveaux convertis de s’établir, même d’aller dans les lieux brûlés, qui sont tous dans les Cévennes de Mende, excepté St. Etienne, St. Germain, Barre, Florac, et le bourg du Pont de Monvert. Ordonne de faire main-basse sur tous ceux qui y seront trouvés. En vertu de cette ordonnance, beaucoup de gens ont été tués, ne voulant pas obéir [47], mais tenant toujours la campagne ; de ma paroisse, Jean de Lerond d’Espinassous, et Pascal [48] du Mas Amalric, furent tués. Michel [49] avec sa fille bossue, du Mas Bernard, et le fils de Gervais de Layris, furent passés par les armes, le 10 mars 1704.

Nota Le 14e dudit, Luc Farelle du Camboux [50], et ayant tenu les chemins environ deux mois avec ledit Gervais, Michel de Mas Bernard et autres, pour détrousser les paysans, eut la témérité d’attaquer seul un garçon pour lui ôter lesculottes, le menaçant de le tuer avec un pistolet non chargé. L’attaqué se voyant pressé, tua ce jeune brigand. Il a été trouvé entre le Régal et le Mas Bernard, assommé à coups d’une grosse pierre ; le pistolet a été porté dans ce lieu.

La troupe de Cavalier continue ses désordres dans la plaine, y ayant au moins deux cents chevaux. Celle de Nicolas [51] vint brûler ce dit jour, 15e mars, les châteaux du Soulier, Richard, et Vimbouches, parce qu’il n’y trouva pas de vivres.

Nota Qu’il y a environ vingt mille hommes de troupes du roi, actuellement dans la province, uniquement pour remédier à ces désordres, qui ont déjà commencé dans les Boutières du Vivarais, de la même manière que dans nos Cévennes.

Le 16e mars 1704, autre ordonnance qui oblige sans distinction, toutes sortes de personnes [52], des paroisses brûlées, d’en retirer tous bestiaux et denrées, et lever les portes et fenêtres des maisons conservées.

Le 14e mars 1704, les troupes du roi tombèrent dans une embuscade du côté de St Césaire [53], Cavalier ayant à dessein fait déserter tous les habitants dudit St. Césaire, y laissant beaucoup de butins ; les soldats burent beaucoup et se chargèrent de ce butin. En sortant, ils virent 30 paysans avec des perches sur le col, qu’ils poursuivirent jusqu’à ce qu’on fit une décharge si rude sur eux, qu’il en resta plus de 300 sur la place, parmi lesquels se trouva 19 officiers et 2 chevaliers de Malte. On prétend qu’il y avait plus de 200 cavaliers dans la troupe des rebelles, qui firent un grand carnage sur nos soldats.

St. Germain de Calberte Vers le 27e avril 1704, un détachement de Labour, en quartier à St. Germain tomba en embuscade au delà du pont de Rousses, venant de St. André de Lancize. Les rebelles poursuivirent ces soldats à la coquière [54] du sieur Rosier, et s’en retournant, brûlèrent toutes les maisons qui restaient à Calberte ; six soldats y furent tués.

Le 13e mai 1704, le lundi de la Pentecôte, environ midi, M. de Corbeville [55] chevalier de St. Louis, lieutenant colonel du régiment de Tournon, venant d’accompagner à Alès ou à Anduze, son colonel avec environ, trois cent cinquante hommes, tomba dans une embuscade au plan de Fontmort, où il fut tué avec quatre capitaines et autant de lieutenants ; il n’en échappa que deux de ce détachement. M. Viala [56] de St. Jean, subdélégué de M. l’Intendant, et son fils, âgé d’environ 18 ans, y furent aussi tués ; le père fut poignardé dans un précipice de la paroisse de St. Martin de Lansuscle, au dessous de la tour Fontanille où il fut enterré. On poursuivit les soldats fuyards, et on en tua jusqu’au village de Malhausette.

Nota Tant l’épouvante était grande, qu’un soldat resta dans le champ de bataille, couché tout nu, ayant quitté leshabits [57] pour n’être pas aperçu ; depuis le mardi jusqu’au vendredi, qu’il reconnut un détachement de son régiment qui passa par cet endroit, il ne mangea ni ne but. Ils crut que ceux qui vinrent le lendemain enterrer les morts étaient des rebelles, et n’osa pas paraître. Il y eut environ quatre vingt hommes tués : et les chevaux, armes , bagages, habits ou argent des officiers ou du subdélégué, se portaient à dix ou douze mille francs.

Nota La veille de cette action, M. le marquis de Lalande, lieutenant général, accompagné de M. le comte de Tournon, que son régiment avait escorté à Alès, eut une conférence avec Cavalier, fils d’un boulanger, âgé d’environ 25 ans, à St. Hilaire près d’Alès ; ces deux généraux y allèrent avec vingt dragons ; les rebelles étaient pour le moins trois cents, qui gardaient les hauteurs. Cavalier donna ses propositions par écrit, il y eut suspension d’armes jusqu’à la réponse de la Cour. M. de Lalande jeta cent louis d’or aux troupes dudit Cavalier ; il se rendit enfin, et eut un brevet de colonel. Très peu de rebelles le suivirent, les uns ont dit cent, les autres soixante. Rolland, châtreur de profession, de la paroisse de Mialet, auquel on offrait un autre brevet de colonel, n’ayant pas voulu se soumettre, fut tué vers un lieu appelé Castelnau ; dans la plaine, cinq de ses satellites pris, savoir : Ravanel [58], Raspal, Grimal [59] et deux autres ; le premier [60] fut traîné sur la claie, à Nîmes, les cinq autres rompus vifs [61]. Cela arriva vers le 14e août 1704. Autres douze coquins à cheval furent pris dans la Vaunage, ou tués trois ou quatre jours après, ce qui a obligé plusieurs de ces malheureux de se soumettre avec leurs armes.

Le 22e août, notre garnison sortit, prit Marie Lafon, Jacques Dumas son fils, et Isaac Fabien son gendre, qui avaient pris les armes. M. l’Intendant a accordé grâce au dernier, à ma prière, les deux autres ont eu la tête cassée, le 23.

On continue tous les jours d’entendre parler des meurtres et assassins, que je ne marque plus, mon registre ne suffirait pas.

Nota que le roi croyant que le châtiment des Cévennes de Mende servirait d’exemple aux autres, ordonna de les brûler. M. de Julien, maréchal de camp, commença l’expédition vers le 1 octobre 1703. A notre prière, la paroisse de St. Etienne fut la dernière, afin de pouvoir recueillir les châtaignes ; elle fut brûlée le 10 et le 12 de décembre 1703. On conserva le Pont de Montvert, Florac, Barre, St. Germain et St. Etienne ; tout ce qui se trouva à la campagne fut détruit. M. de Bâville m’accorda [62] environ cent maisons hors du bourg qu’on ne brûla point.

Nota Le 20e septembre, M. de Fesquet, seigneur de St. André de Valborgne, se confiant sur la parole de la Rose [63] , chef des rebelles, sortit avec une charge de vivres pour faire manger une cinquantaine de camisards armés, qui feignaient de vouloir se rendre. La Rose l’assassina lui même et le dépouilla ensuite.

Pendant le mois de septembre 1704, tous les paysans de la campagne voyant que les troupes du roi, commandées par le marquis de Lalande, lieutenant général, faisaient main basse sur tout ce qu’elles trouvaient dans les 32 paroisses brûlées et condamnées, obligèrent les chefs des rebelles à rendre leurs armes, ce qu’ils achevèrent de faire vers le 12 octobre 1704.

Nota Ils en ont retenues en quantité, niant en avoir davantage. Le 12 dudit, M. de Lalande écrivit qu’on accordait l’amnistie pour ce pays ; que chacun pouvait retourner chez soi, et y rétablir les maisons.

Nota Que les rebelles n’acceptèrent le pardon qu’à certaines conditions : 1er De rester tranquilles, chacun dans sa maison. 2e Liberté pour tous ceux qui voudraient sortir du royaume, de vendre ou arrenter leurs biens avant de partir. 3eQue tous les déserteurs des troupes qui étaient parmi les rebelles seraient pardonnés. 4e Que le roi leur donnerait les tailles pour deux ans. 5e Que M. l’Intendant donnerait des ordonnances pour que les créanciers fussent obligés de se contenter d’un intérêt honnête, sans pouvoir exiger le capital. 6e M. l’Intendant a promis d’élargir tous les prisonniers capturés à cause de cette sédition, et de prier pour la liberté des galériens.

Nota Les rebelles voulaient que non seulement, on ne les recherchât ni directement, ni indirectement, pour aucun exercice de la religion catholique, mais qu’il leur fut permis de s’assembler à la campagne, et que leurs prédicants pussent baptiser et marier comme ils avaient fait pendant le temps de la sédition. Les puissances ont été inébranlables, et ont protesté à ceux qui faisaient ces propositions, que s’ils s’avisaient de s’assembler quoique en très petit nombre, on les écraserait.

Nota 1705. Les affaires ont resté dans le même état jusqu’au mois d’avril, les officiers des quartiers faisant rendre quelques fusils, à force d’emprisonner ceux qu’on leur dénonçait. Il ne se fait que très peu d’assemblées et même sans éclat. Il y a eu des gens de chaque paroisse qui ont été entendre la messe là où elle se disait ; pendant cet intervalle on fomentait une sédition plus dangereuse que la première qui fut découverte par Messieurs de Bâville et de Barnier [64], à la vie desquels on en voulait. Quatre hommes armés furent surpris dans une maison de Montpellier le 18 avril 1705 ; l’un desquels ayant blessé le prévôt des archers, fut tué sur le champ, deux dangereusement blessés, le quatrième genevois de nation, demanda la vie, ayant des choses de conséquence à communiquer à M. l’Intendant. Il lui dit qu’ils étaient venus pour soulever le peuple, et qu’il y en avait un très grand nombre qui avait promis de se ranger de leur parti, surtout de Nîmes, Uzès, Alès, Anduze et Montpellier ; qu’on trouverait Ravanel, chef d’une troupe qui ne s’était jamais voulu rendre, à Nîmes, chez le sieur Alizon marchand, avec Catinat qui, après être sorti du royaume par permission, y était rentré avec quelques autres. Ces deux scélérats trahis par le genevois, furent pris et brûlés vifs ; mourant enragés, ils se mordaient l’un l’autre, un vent ayant porté les flammes, ce qui fut cause que leur tourment fut plus long [65]. Plusieurs citoyens de Nîmes eurent le même sort de ce marchand qui fut rompu vif et sa maison rasée. Il avait quantités d’habits tous faits, et on trouva chez un meunier 80 fusils, un baril de poudre et des balles à proportion.

Le mois de mars 1706, Salomon Couderc, de Vieljouves, paroisse de St. André, rentrant dans le royaume avec des projets d’une seconde sédition [66], fut pris du côté de Valence et amené à Montpellier où il fut brûlé vif, pour expier une partie des crimes qu’il avait commis, ou fait commettre par ses prétendues révélations ; deux de ses compagnons furent pendus.

Vers la fin de mars 1706 La Fleur [67], continuant à rouler dans les Cévennes avec six bandits de sa cotte [68], tuèrent trois hommes dans leurs maisons, lesquels ayant été rebelles, tachaient présentement de faire prendre ceux qui les avaient engagés dans le parti.

Ledit La Fleur, accompagné de trois autres, assassina vers le 5 juin 1706, le sieur Lapierre, notaire de St. Julien.

Le 12 mai 1706, il parut sur les neuf heures du matin, une éclipse totale de soleil, qui dura environ un quart d’heure, ce même jour ou le lendemain, le roi d’Espagne leva le siège de devant Barcelone, toute la Catalogne étant révoltée contre lui.

Le 9 juillet 1706, M. Gauthier, prêtre et prieur de Peyrolles, revenant de sa paroisse à St. Jean, fut cruellement massacré par trois fanatiques vagabonds, au même lieu où son prédécesseur avait été tué par le nommé Vivens [69], depuis 16 ans.

Le 24 août 1706, M. Temple [70] prieur de Quissac, près de St. Hippolyte, ayant resté réfugié dans ladite ville pendant ces désordres, et voulant aller faire le service dans sa paroisse où il y avait une garnison, fut attendu en chemin par douze bandits armés, qui lui tirèrent sept coups de fusil, lui coupèrent la tête, et lui roulèrent une grosse pierre sur l’estomac, sans toucher à deux valets, ni à deux charges de hardes qu’il faisait emporter.

Le mois de décembre 1706, le nommé l’Abeille, compagnon de La Fleur, fut tué du côté de Saumane par un capitaine des mignons [71] ; le lendemain, ledit La Fleur, accompagné d’autres trois, assassina cinq personnes dans leur maison, parmi lesquelles se trouva le nommé Rouvière de Trabassac, paroisse de Molézon , étant accusé d’avoir trahi l’Abeille.

Le 24, La Fleur du Mazel Rozade, paroisse de St. Germain, fut pris, et le 28 dudit décembre rompu vif à Montpellier. Quelque temps après, l’aîné dudit La Fleur, dit l’Anglais, fut rompu, étant rentré après le fanatisme ; il fut pris du côté de Saumane, voulant assassiner un homme dans sa maison  ; c’était vers le mois de juillet 1707 [72].

Le mois de juin 1709, les huguenots de Boutières se révoltèrent, au nombre d’environ 200 armés. On les attaqua trois fois. La première, les Suisses ne voulurent point tirer sur eux ; il y eut quatre officiers tués et quelques soldats, et plusieurs blessés. La deuxième, ces rebelles attaquèrent 700 de nos troupes ; ils furent dispersés à la vérité après s’être battus comme des enragés ; on en tua 60 sur place, 15 furent pris et pendus. La troisième, on acheva ; M. le duc de Roquelaure et M. de Bâville restèrent sur les lieux jusque vers le vingt quatre juillet de ladite année, que tout fut pacifié. Presque tous les habitants de Vals s’étaient révoltés ; on y fit raser sept ou huit maisons.

Vers le mois de juillet 1710, Claris, qui était le seul prédicant fanatique qui roulait dans le Languedoc, fut pris à Uzès [73].

Vers le mois d’octobre 1710, Jouany, dit Nicolas [74], s’évada de la citadelle de Montpellier, où il avait resté trois ou quatre ans. Il se soumit dans peu de jours ; on le mit garde-sel à Agde avec 200 livres de pension, et alors on n’entendit plus parler d’aucun coureur. Quelques mois après, il revint dans le pays contre les ordres des puissances ; on le prit, et voulant se sauver, il fut tué par un mignon, au pont de Rastel, près de Chamborigaud.

Second Fléau du diocèse de Mende

Le mois d’avril 1721, la peste attaqua la Canourgue, où elle fit un grand ravage, ensuite Marvejols, St. Léger, plusieurs paroisses du haut Gévaudan, et Mende fut pareillement attaquée le 10e septembre 1721.

On forma une ligne, le long de la rivière du Tarn, vers le commencement de septembre ou fin août de la même année. On tira les troupes des Cévennes et on forma une autre ligne, prés d’Anduze. Depuis ce temps là, il y a une fourmilière de prédicants, qui tiennent leurs assemblées en plein jour, presque toutes les églises de la campagne sont désertes, celle de St. Etienne a encore environ 360 nouveaux convertis qui ont communié à la Pâques dernière 1722. Le village de Cabanemagre ne paraît plus à l’église. La plupart de l’Espinassous en font de même, aussi bien que ceux de Serres, quelques trentaines de personnes de ce bourg ont discontinué de venir à l’église et par [75] conséquent vont aux assemblées. Deus misere altuis. Notre Mende est encore en quarantaine ce 31 mai 1722.

Le 15 janvier 1723, toutes les lignes ont été levées, la liberté qu’on avait avant la peste, a été donnée à tout le Royaume. Benedictus Deus.

Le 14e mai 1724, Louis XV a donné une nouvelle Déclaration [76], qui non seulement renouvelle celle de Louis XIV, mais encore ajoute quelques articles très forts. Le mois d’août, elle a été enregistrée dans le greffe du bâillage de St. Etienne, comme elle l’avait été dans toutes les autres cours du Royaume. Sans autre publication, ni sans aucune exécution, ce qui a rendu nos hérétiques plus insolents et plus hardis à continuer leurs assemblées.

Ceux qui gouvernent sont plus clairvoyants que nous. Dieu a indiqué le temps auquel il doit éteindre cette hérésie [77].


[1] L’ouvrage de Burdin, comporte une longue généalogie de l’abbé, qui veut montrer l’ancienneté de la noblesse de sa famille. L’origine de cette noblesse, ne tient cependant qu’à une quittance du 2 janvier 1555, faite à un certain Jacques Langlade. Le père de l’abbé, Balthazar de Langlade, est évidemment mentionné dans cette généalogie, mais l’auteur passe sous silence ses exploits les plus mémorables. Balthazar, après s’être enrichi par d’innombrables violences et exactions commises dans la Margeride, s’y être fait construire un vaste château, est en 1667 décrété de prise de corps par la justice du roi, il va rester introuvable même aux huissiers qui en 1672 se présentent au château, où ils sont retenus par le futur abbé. Un arrêt du parlement le condamne pourtant en 1681 à la décapitation, mais Balthazar finira par mourir dans son château  (d’après Le Règne de Louis XIV d’Olivier Chaline, Flammarion, page 498) ;

[2] Pierre SEGUIER dit Esprit, de son métier cardeur, et non voiturier comme dans la version Burdin. Exécuté le 12/8/1702.

[3] Huguenotisme : vocable rare, sans doute choisi par l’abbé Mingaud, pour la rime avec fanatisme.

[4] Cette langue vulgaire étant bien entendu le languedocien.

[5] conversion : du verbe converser, s’entretenir, fréquent au 18e siècle.

[6] en dépit des apparences, ce passage n’est pas un extrait du Tartuffe de Molière.

[7] l’abbé du Cheyla martyr ou bourreau ? Les portraits du personnage sont si dissemblables, qu’il n’est guère facile d’en retenir une opinion objective. Sur le sujet, outre l’ouvrage reconnu de Robert Poujol, on peut mentionner l’apport peu connu d’ Eugène Sue, dans son roman historique, Jean Cavalier, qui fait de l’abbé du Cheyla un portrait psychologiquement convaincant, même s’il est peut-être entaché de quelques erreurs factuelles.

[8] Frutgères, devenu de nos jours Le Pont de Montvert.

[9] La version Burdin, comporte la parenthèse qui suit, absente de l’original : (le rentier fut aussi martyrisé).

[10] Le 28, juillet 1702

[11] Pierre d’Arnal, sieur de la Cam, seigneur de La Devèze et son frère François de Nougeirol.

[12] Melle Marthe, Thérèse d’Arnal.

[13] Leur mère, Louise de Parlier, mère des trois précédents.

[14] Ces deux demoiselles, Louise de Parlier et sa fille Thérèse.

[15] Laporte Gédéon, né à St. Paul de la Coste, résidant à Branoux, tué le 22/10/1702.

[16] Imposés = attribués, selon le vocabulaire du 18e siècle. Gilles de La Pise avait, en 1662, aidé par son frère religieux au prieuré du Vigan, enlevé une jeune fille et condamné pour cela à être pendu (P. ROLLAND Chronique des luttes religieuses en hautes Cévennes page 31 (Presses du Languedoc 2002)

[17] Ners, au lieu de Nevers, dans la version Burdin.

[18] Il s’agit de Pierre Martel, curé de Deaux, et de Guillaume Beschard, 1er consul de Ners, tués le 3 novembre 1702 dont les corps furent jetés dans le Gardon, près du bac de Ners.

[19] Sans doute Jacques Gervais, de Falguières, mais dont la maison n’aurait été brûlée qu’en novembre 1703.

[20] Voir ce renvoi du curé Mingaud, en fin de page 6 (la pagination du curé Mingaud étant évidemment différente).

[21] Comandré, aurait été un espion ou indicateur du curé Mingaud (selon Henry Bosc).

[22] Notre Dame de Moissac, de nos jours Moissac vallée française.

[23] Sans doute Jacques et David Couderc, chefs camisards originaires de Mazel Rozade.

[24] Exprès = messager chargé d’une mission particulière.

[25] Secondaires, ou vicaires, selon une note de la version Burdin.

[26] St. Jean de Gardonnenque, de nos jours St. Jean du Gard.

[27] Le même soir…, soit le 12 janvier 1703.

[28] Annibal Gaillard, ou Gailhard, chef camisard de Cabriac, dit l’Allemand, rompu vif le 30/4/1705.
-Ce passage en italique, ne figure pas dans la version Burdin, car il avait été rayé sur le manuscrit du curé Mingaud. Il a paru bon de le reprendre ici.
- Le terme retiré, est utilisé dans le sens d’abrité

[29] Le manuscrit déchiré ne permet plus la lecture de la suite de cette phrase commencée.

[30] Il s’agit de l’évêque de Mende (entre 1677 et 1707), François Placide de Baudry de Piancourt.

[31] Un gros de gens, une troupe nombreuse, selon le vocabulaire du 18e siècle.

[32] Le père de Jacques de Cabiron était, Jean de Cabiron de Solpérières, seigneur de St. Etienne, capitaine aux milices du Gévaudan, et nouveau converti comme toute sa famille.

[33] Le grief adressé au fils, concernait davantage son père nommé ci-dessus.

[34] Jacques de Cabiron , fut toutefois présenté au baptême en mai 1679, par le pasteur de Lacoste de St. Etienne.

[35] Chamoux, prieur de St. Jean de Ceyragues (St. Jean de Sais dans le texte Mingaud) et promoteur de l’évêque d’Uzès.

[36] Louis des Champs, marquis de Marcilly, colonel de cavalerie des troupes du roi.

[37] Probablement las Vizettes del Peyreret, où une assemblée avait été surprise en juin 1687.

[38] Jean Chantagrel, prophète originaire de l’Esquinade, qui aurait été tué dans une assemblée.

[39] Au cours du siège de la Tour du Billot, paroisse de Bagard, une troupe de camisards réunissait les deux chefs Cavalier et Salomon Couderc. Le nombre des victimes annoncé par Mingaud est conforme aux estimations des historiens contemporains.

[40] Bâtier : autrefois sellier pour l’équipement des bêtes de somme.

[41] Sieur des Camboux, Jacques Teule des Camboux, maire de St. Etienne vallée française.

[42] Jean Peytaud, natif de Boucoiran, officier au régiment de Mirmand, roué en septembre 1703.

[43] La métairie de Valsauve

[44] Saturargues et St-Sériès

[45] Ce pays, il s’agit des Cévennes, comme l’indiquait une parenthèse dans la version Burdin.

[46] Ce nota a été rajouté dans son texte par le curé Mingaud, en séparant les années 1703 et 1704, et sans autre commentaire justificatif ou critique, du « brûlement » des Cévennes. Ce n’était pourtant pas une mince opération, puisqu’elle concernait les ¾ de l’archiprêtré des Cévennes, qui comprenait au total, selon le livre de capitation, 42 paroisses habitées de 13540 personnes, non compris les pauvres exemptés de cet impôt.

[47] Ne voulant pas obéir, ou peut-être, n’ayant pas d’autre logis et moyens de subsistance possibles.

[48] Lerond et Pascal, au lieu de Delairan, et Pellet dans la version Burdin, mais un doute subsiste, car le déchiffrage du texte est délicat. Les deux nouveaux patronymes proposés étaient d’usage courant à St. Etienne.

[49] Le curé Mingaud a écrit «  Michelle », mais il s’agit sans doute du même Michel du Mas Bernard, dont il est question trois lignes plus loin.

[50] Camboux, mas ou hameau de la paroisse de St. Etienne.

[51] Nicolas dit Joiny

[52] Toutes sortes de personnes, l’ordonnance concerne aussi bien les protestants supposés, que nouveaux convertis, ou anciens catholiques.

[53] St-Cézaire-de-Gauzignan (il s'agit en fait de la victoire de Cavalier au Devois de Martignargues)

[54] Pour calquière, fosse remplie de chaux où l'on mettait les peaux à tanner. Les calquières étaient situées en dehors des villes et des village car elles dégageaient une forte odeur !

[55] M. de Corbeville, comte de Tournon et lieutenant colonel.

[56] Viala Paul, subdélégué de M. de Bâville, avocat à St. Jean du Gard, procureur de la viguerie de Sommières.

[57] Ayant quitté ses habits, on peut aussi imaginer que ses habits lui ont été enlevés par les camisards.

[58] Erreur, Ravanel ne sera pris et brûlé qu'en 1705 comme on le verra plus loin.

[59] Grimal, le nom a été rayé par le curé Mingaud, mais il faut le conserver pour la compréhension de la suite.

[60] Le premier, il s’agit du corps de Rolland traîné sur une claie, après sa condamnation posthume.

[61] Rompus vifs, le curé Mingaud se trompe ici, les cinq chefs roués vifs le 16 août 1704, sont Raspal, Malhier, Grimal, Coutereau et Guérin. Ravanel ne faisait pas partie du groupe .Il va participer plus tard à la conjuration des enfants de Dieu, est arrêté et brûlé vif le 21 avril 1705 à Nîmes, en même temps que Catinat (voir plus loin dans le journal du curé Mingaud).

[62] Après le 14 décembre 1703, date de clôture des opérations de brûlement des Cévennes, plusieurs maisons de la paroisse de St. Etienne qui avaient été épargnées, furent en répression, brûlées par les camisards dans la nuit du 18 au 19 décembre. Il s’agissait des propriétés de Pierre de Pierredon, capitaine de la garnison de St Etienne, qui avait obtenu ce privilège, en raison des services qu’il avait rendus. Il est assez probable, que les exemptions accordées au curé Mingaud, récompensaient de la même manière des citoyens bien disposés envers le pouvoir et la religion. A la veille de l’opération et en dépit des ordonnances royales, nombre des personnes concernées n’avaient pas encore abandonné le bourg de St. Etienne, et le curé Mingaud leur adressa le 10 décembre la lettre reproduite ici (d’après H Bosc) :

« Travaillez incessamment à emporter tout ce que vous avez dans vos maisons, découvrez les de telle sorte que ne restent que « les quatre murailles, ôtant même les chevrons et les poutres ; détruisez aussi vos fours et vos moulins sans attendre que « les troupes le fassent. Si le roi vous permet de rentrer dans vos biens, vous rétablirez bien plus facilement vos maisons, « ayant tous les matériaux et ferrements des portes et des fenêtres, au lieu que le feu ne laisse rien où il passe. Je vous exhorte « de tout mon cœur de n’entreprendre pas de vous réfugier dans les maisons conservées ou dans les cavernes, on vous y « tuerait infailliblement, c’est l’ordre du roi, mais faites en sorte de vous établir en quelque lieu où vous puissiez vivre, ou « obéissez en vous rendant dans les lieux que M. l’Intendant vous nommera, l’on vous y donnera de quoi subsister à votre « aise. Je serai toujours disposé à vous rendre tous les services qui dépendent de moi et conserverai pour vous des entrailles de « père. Je déplore votre malheur mes très chers enfants. «

Cette missive est un peu surprenante, elle est si tardive – le brûlement a commencé le 10 décembre - qu’elle laissait peu ou pas de temps aux destinataires, pour la recevoir, la lire et appliquer les instructions longues à mettre en œuvre qu’elle contenait ; comment a-t-elle été reproduite, diffusée et publiée ? S’est-on contenté d’un affichage dans l’église de St. Etienne ? Il faut ajoute, que nombre des ses destinataires, étaient probablement illettrés. On ne peut exclure, que ces touchantes paroles publiques de compassion, n’aient été finalement destinées, qu’à tenter de se disculper vis à vis de la postérité, d’une responsabilité morale envers une opération que le curé Mingaud aurait du condamner avec vigueur (comme le fait par exemple la sœur de Mérez, dans son journal - voir l’ouvrage de H.Bosc).

[63] La Rose, de son vrai nom Thomas Valmalle.

[64] M. de Barnier, lieutenant de prévôté.

[65] Ravanel et Catinat furent attachés au même poteau, Ravanel subit le supplice sans se plaindre, mais Catinat dont la mort fut plus lente, hurla et dans ses tourments mordit Ravanel à l’épaule.

[66] Sédition, le mot oublié par Mingaud, a été rajouté dans la version Burdin.

[67] Couderc Jacques dit La Fleur ou Fleurette, de Mazelrosade.

[68] Pour coterie : groupe, clique.

[69] Vivens ou Vivent, prédicant tué le 19/2/1692.

[70] Temple Antoine, curé de Camboux, église incendiée le 4/4/1703.

[71] Mignons était le surnom des Miquelets, redoutables fantassins équipés très légèrement venant de Catalogne.

[72] David Couderc, dit l’Anglais (frère aîné de Jacques Couderc ou La Fleur), condamné le 26 septembre 1707 aux galères à vie, et non rompu comme l’écrit l’abbé Mingaud (source Pierre Rolland).

[73] Pierre Claris ou Clary, de Quissac, chef camisard et prophète, roué vif le 25/10/1710.

[74] Jean Nicolas, dit Jouany, de Génolhac, abattu le 11 mai 1711, alors qu’il tentait de s’enfuir.

[75] Les passages soulignés l’ont été par le curé Mingaud.

[76] L’évêque de Nantes est en 1724 à l’origine, de la « Grande Déclaration » qui organisait de nouvelles mesures de persécutions des protestants, et provoqua dans certaines régions une reprise de l’émigration.

[77] Ce texte est intéressant à plusieurs titres :

- on constate d’abord, que plus de dix années après la fin de la révolte des camisards, le protestantisme est en pleine renaissance dans les Cévennes, au grand désespoir du curé Mingaud.

- au dire du curé, les autorités locales qui redoutent sans doute une reprise des révoltes, ne semblent pas trop pressées de s’opposer à cette renaissance, en appliquant les sévères mesures édictées par la nouvelle Déclaration.

- de ce point, de vue la Guerre des Cévennes aura servi la cause du protestantisme en France.

Le récit d’un espion chez les clandestins camisards-contrebandiers du Vivarais

avril 1703

 

Ce récit manuscrit inédit est aux Archives du Ministère des Archives Etrangères, Mémoires et documents France, Languedoc, volume 1640, folio 211.

1703
L'homme envoyé en Vivares party de chez luy le trois d'avril et roula jusques au 7 sans rien apprendre dans les paroisses de Pierregourde, Boffres, Gilloc et la Bastide.

Le 8 il feut a Mareols et à Serres, le 9 a Royas et au pape ou n'ayant aussy rien apris il revint chez luy ou estant arrivé il alla boire avec un de ses voisins nommé Bouys qui luy promis de luy faire parler le lendemain 10e a des camizards et qu'il n'avoit pour cella qu'a s'aller promener long des vignes sur le chemin de Tournon a Privas du costé du Maynaud ou il trouveroit Louis Mercier absent de St Fortunat depuis 3 ou quatre ans que ses parents font passer pour mort, pourveu qu'il y alla un peu tard.

Il se rendit sur le chemin led jour 10 en s'y promenant sur la nuit on luy jetta une pierre et on sifla il entra dans la vigne et trouva Mercier qui le mena au dela de l'Escrinet plus près d'Aubenas que de Privas dans un petit chemin ou ils se rendirent a travers champ ils y trouverent un contrebandeur de tabac dont il ne scait pas le nom mais qu'il dit estre de St Voye en Vellay avec lequel led Mercier parla et ensuite sestant un peu avancé du costé de la grange de Fargier ils trouverent sur leur chemin neuf hommes parmy lesquels estoit un autre contrebandeur qui est de Gluyras, des autres huit hommes il y en a deux qui s'appellent Couzins, lun nommé Lagrave et lautre Reynaud le premier est du Pont de Monvert et il croit que l'autre en est aussi. Il y en a deux autres dont lun s'appelle Ozi et l'autre Deconches il na pas sceu le nom des quatre autres mais il dit que Ozi et Deconches sont estrangers car ils sesnoncent fort mal en françois ayant un fort mechant accent, et parlent entre eux dun langage quil na pas entendu et qui ressemble a celuy des Suisses

Les deux contrebandeurs sont ceux qui vont chercher les vivres dans les communautés, les uns et les autres ne couchent et ne demeurent jamais que dans les bois, ils ont pour mot du guet des petits siflets denfans. Le peu dargent quils ont leur vient du Piémont. Ils en receurent a la foire de Beaucaire par un radeau venant de Grenoble et le dernier quils ont eu leur vint a la derniere feste de Saint Luc par des gens qui passaient le Rosne a Coudou....

Ayant joint ces neuf hommes ils gaignerent dun costé dans un village nommé Fau, et le laissant a main gauche ils vinrent sur la montagne du fau ou apres avoir beu un coup Ozi fit la priere et ensuitte ils dessendirent vis a vis de Creisseilles dou ils le renvoyerent accompagné par Mercier qui apres luy avoir dit tout le dessein touchant les contrebandeurs et l'argent quils avoient receu adjouta qu'entre icy et la pentecoste ils luy feroint voir une belle compagnie. Mercier en le quittant au milieu du bois de Creisseilles luy dit de ne pas s'escarter de chez luy et qu'il auroit au premier jour de ses nouvelles.

Il revient dans sa maison le samedy matin 11e ou il dormit tout le jour et sur le soir revenant de boire avec un nommé Labbé, Mercier lappella et lemena avec luy a la planche de Courbine par la paroisse de St Sauveur ou il trouva les mesmes gens qu'auparavant avec lesquels il s'en alla a la Croix du Villar et ensuite passant entre Villar et St Apolinaire de Rias ils vinrent a la montagne de Montreynaud ou dozi ayant fait la priere ils le renvoyerent sans avoir voulu luy parler accompagné du contrebandeur de Gluyras jusque pres de lad Planche qui ne voulut jamais luy rien dire si ce nest quil auroit bientot de leurs nouvelles.

Il revint chez luy le matin du jour de Pasques et en partyt le lundy au soir pour aller a la traverse ou lon lavoit asseuré quil y avoit tous les jours des assemblées, il coucha la nuit des 13, 14 et 15 dans les champs sans jamais avoir rien entendu, et led jour 15e il alla a St Cierge ou nayant aussi rien appris il retourna chez luy ou il demeura jusques au 17 a l'entrée de la nuit que Mercier le vint appeller et le mena du costé de layguer parroisse de St Sauveur pres de plusieurs grands rochers ou il trouva a table les deux contrebandeurs avec les nommés Lagrave, Reynaud, Ozi et Deconches qu'ils firent manger avec eux les autres quatre dont il na pas sceu le nom ny estant plus et luy firent payer une piece de quatre sols pour ce qu'il avoit mangé avec eux luy disant qu'ilss n'avoient pas encore de l'argent pour luy donner mais que des que leur prest qu'ils attendoient seroit arrivé ils luy en donneroient. Apres avoir soupé ils marcherent long d'un bois appellé Chabrienges jusques vers Ferreyres et au bois de Rozet dou ils envoyerent une fois un contrebandeur dans un lieu appellé Feures (?) sans savoir ce qu'il y alloit faire, et Deconches ayant ensuite fait la priere apres quoy l'espion dit au nominé Reynaud qu'il faudroit aller faire quelque tour a quelqu'un mais il luy repondit que la pomme n'estoit pas encore meure, ils demeurèrent le 18 et la nuit du 18 dans le meme bois ou ils feurent fort bien nourris et le 19 au matin apres lavoir bien exhorté a estre fidelle ils le menasserent de luy aracher la langue sil parloit et ensuite le renvoyerent accompagné de Mercier qui luy dit que les autres quatre estoient allés en Piémont, quil les avoit accompagné jusques au bois de Pillat qui est en forrest pres de Condrieu ou ils avoient passé le Rosne et que c'estoit la troisieme fois quils avoient fait le chemin, quils estoient allés chercher de l'argent et des nouvelles et que d'icy a Pentecoste ils luy feroient voir une belle troupe luy promettant de luy donner de ses nouvelles. Mercier le quitta vis a vis de la Fereyre luy disant encore quils alloient a Xaintonge passant par Burzet et qu'ils avoient a Xaintonge une trentaine de leurs gens qui cherchoient a pouvoir faire du monde.

L'espion offre de faire prendre Mercier mais peut estre seroit il bon de le laisser encore afin daprendre tout ce qui se trame. Je lay renvoyé aux nouvelles, il doit me venir joindre le cinq de may et plustot si y a quelque chose de nouveau

A la fin du texte et d’une autre écriture :
Charles Aymard de St Fortunat fait le mediocre, un peu cagneux, une cicatrice a la joue droite, n. c;

 

Notes établies par Didier Picheral de Randonnées Huguenotes en Ardèche à propos du document

"Un espion chez les camisards du Vivarais en avril 1703 "

1 - Sur les noms cités,

- Louis Mercier est bien identifié comme ayant participé aux événements de 1704, et il a ensuite été colporteur en relation avec les premiers pasteurs et prédicants :

Témoignage de Morel Duvernet dans les papiers Court :
" L'affaire de Franchassis : Louis Mercier m'a dit qu'il y était, qu'ils furent découverts par un nommé Bouchet de Privas et une demoiselle de La Cheysserie……Les camisards mirent le feu à la maison du nommé Retournac de St Fortunat, il était notaire, avait été de la religion, mais il était persécuteur. Dortial donna les ordres de cette expédition. Louis Mercier y était présent "

Citations nombreuses dans les lettres de Pierre Durand
- Bouys est probablement Buis Jean Pierre (cf. dictionnaire des camisards)

- Ozi (Ozil) est un patronyme de la région de Vallon Pont d'arc et Lagorce. Deux Ozi sont partis au refuge en Suisse à la révocation

- Decouches est un nom de famille de Privas : Un Decouches est parti au refuge en Suisse à la révocation.

2 - Sur les lieux et les itinéraires en Ardèche parcourus par l'espion

On peut retracer les différents voyages de l'espion dans les Boutières et dans la région de Privas;

3 au 7 Avril : L'espion commence par chercher pendant 4 jours des contacts dans la région protestante au nord de la basse vallée de l'Eyrieux et sur la partie Est du plateau de Vernoux : à Pierregourde (Gilhac et Bruzac), puis à Boffres, Gilhoc/Ormèze et la Bastide (La Batie de Crussol, aujourd'hui Champis). Zone où eurent lieu ensuite quelques accrochages camisards en 1709.

8 Avril : Recherche à Mareols (Marcols, au fond de la vallée de la Glueyre) et Serres (Saint Etienne de Serres), deux paroisses très protestantes. Parcours de plus de 40 km aller retour si l'on suppose que l'espion habite aux Ollières (paroisse de Saint Fortunat)

9 Avril : direction opposée avec des recherches de contacts à Royas (paroisse près de Saint Laurent du Pape, fusionnée depuis avec cette dernière) et au Pape (Saint Laurent du Pape) dans la basse vallée de l'Eyrieux. Parcours aller retour estimé à 30 km.

10 Avril au soir: direction Privas et Tournon les Privas (sur la commune de Lyas) Maynaud est Mas Neuf, hameau situé près de Tournon les Privas. Tous ces lieux sont exposés au sud et sont très favorables à la vigne.

Montée dans la nuit jusqu'au col de l'Escrinet (col entre Privas et Aubenas) c'est long.

La grange de Fargier est peut être la Grange Madame située juste sous le col de l'Escrinet.

L'origine du "contrebandeur", Gluiras, est une paroisse très étendue et très protestante traversée par les inspirés de 1689 et où furent découvertes quelques assemblées en cette période (1700, 1706).

Le Fau (aujourd'hui Les Faux) où ils se rendent ensuite est un hameau situé au Nord du col de l'Escrinet sur la commune de Pourchères.

Descendre ensuite vers Creysseilles (commune située dans la vallée du Mézayon comme Pourchères) permet de rejoindre Privas aussi bien que Les Ollières ou Gluiras

11 Avril au soir (veille du dimanche de Pâques) : traversée de l'Eyrieux 1,5 km en amont de Saint Sauveur de Montagut, à la planche de Courbine (Courbine est un hameau de Gluiras, très proche des rives de l'Eyrieux, débouché d'un sentier qui descend de Gluiras); montée vers le plateau de Vernoux via Le Villard et sa croix (ce qui suppose la traversée des paroisses de Saint Maurice en Chalencon (évènements camisards en 1704) et Silhac avant d'atteindre St Appolinaire de Rias, puis le col de Montreynaud qui sépare le plateau de Vernoux de Lamastre. A proximité de ce dernier col, se trouve le serre de la Roue où les camisards de 1709 se retrouvèrent et tinrent une assemblée et un campement.

12 Avril : repos

13 au 15 Avril : se rend dans des lieux plus proches de chez lui : La Traverse est un hameau de Saint Fortunat (actuellement sur la commune de Dunière) où les inspirés furent longtemps influents et dominants. St Cierge est une paroisse située au sud Est de St Fortunat.

17 Avril : L'aygua est un hameau située juste au dessus de Saint Sauveur, dominant la vallée de la Glueyre tandis que Chabrianges est 1 km plus à l'ouest toujours sur la Glueyre (mais sur la commune de Saint Etienne de Serres). La montée vers l'ouest , vers Ferrières puis vers le bois de Rauzet via Feures (en fait Féouzet) éloigne des zones contrôlées et rapproche de lieux où les camisards de 1709 commenceront à intervenir : Ferrières est tout près de La Batie où les Suisses de de Courten furent( sévèrement battus par Mazel. Le bois de Rauzet est le lieu où Claude de Vocance fut tué par les camisards de 1709 (premier événement de cet épisode camisard).

3 - Sur les autres lieux

Le rôle de la foire de Beaucaire comme lieu de rencontre des clandestins sous couvert d'échanges de marchandise est confirmé dans ce texte.

Les rapports entre NC du Vivarais et NC de la zone du Chambon sur Lignon-St Voy est également attesté par ce texte

On note aussi une relation avec le Piémont (sans doute les vallées Vaudoises)

La route vers la Suisse semble passer par Condrieu (serait le lieu de traversée du Rhône) et le massif du Pilat

Enfin, il est intéressant de noter que le Massif central ne fait pas barrière pour les relations avec la Saintonge protestante.

L’enlèvement des habitants de Lézan

24 avril 1703
par Maguy Calvayrac

Le château de Lézan

 

LEZAN, 24 avril 1703

Sources : AD30 78 J 1 à 15 ( fonds Claris. Don de Madame Rothé-Méjean 1989, inventaire Y du Guerny 1989
AD30 C 745 : comptes des communautés, addition aux dettes, diocèse de Nîmes
Les passages en italique sont transcrits de ces deux documents

L'enlèvement de la population nouvelle convertie de Lézan nous est connue seulement par les efforts faits par Antoine Mourgue le consul catholiuque du lieu et par Domergue Genolhac hôte pour récupérer les sommes avancées à l'époque pour l'hébergement des soldats:

78 J 5
Le 24 avril 1703, Anthoine Mourgue , consul du lieu de Lézan ordonna en ladite quallité à Domergue Génolhac hoste dudit Lézan de bailler du foin et davoine au regiment de la Marine commande par M de la Jonquière qu'y arriva ledit soir à Lézan où il devait vivre au moyen de sa solde. En consequence de cet ordre Genolhac fournit du foin et lavoine audit bataillon à la somme de 51 livres 7 sols 6 deniers. Ledit Mourgue ny Génolhac ne se firent pas payer la somme par dedit officier.
En 1707, Génolhac n'étant toujours pas remboursé de ses frais assigne Mourgues devant le Présidial de Nîmes. Le jugement est rendu le 26 septembre 1707. Comme Mourgue ayant soutenu que le sieur de la Jonquière commandant ledit bataillon dit en partant du lieu, en présence de Génolhac et plusieurs autres habitants qu'il avait tout payé audit Génolhac et qu'il estait content de luy.
En 1708 , Génolhac s'impatiente et demande la saisie des biens de Mourgues, tandis qu'un nouveau consul Marguerit succède à Mourgues. Marguerit, manifeste à son tour si peu d'empressement à convoquer la communauté à délibérer que Mourgues demande la saisie des biens de Marguerit. L'affaire aurait pu rester une banale question de remboursement par la communauté d'une somme relativement modeste. Pour comparaison :la confection des remparts, leur réparation, la restauration de l'église détruite par les camisards, le logement des gens de troupe et de milice coûtèrent pour le moins 2560 livres qui furent payées avant 1707 . Mourgues, voyant ses biens menacés de saisies, ses frais de procès augmenter démesurément rédige alors une "remontrance" (cette démarche est prévue dans le serment prêté au cours de l'élection consulaire) où il avoue son rôle le jour du 24 avril 1703 :

C 745
Remontrance d'Antoine Mourgues
Dit que comme il est ancien catholique l'intendant la obligé d'estre consul dudit Lezan depuis environ vingt ans a cause que les habitants du lieu sont presque tous de Nouveaux Convertis qu'en cette qualité il a souffert des dommages tres considerables, soit parce que pour garantir sa vie, il a esté contraint d'abandonner son bien meubles cabaux et effets aux scélérats rebelles et de se réfugier en la ville d'Anduze où il a resté environ deux ans et demy avec Messieurs de Cardet et Lezan conseigneiur dudit lieu , lesquels ayant apris que Monsieur de la Jonquière quy commandait le regiment de la marine devait arriver audit Lezan pour y enlever les Nouveaux convertis malintentionnés de l'estat, le Remontrant fut persuadé de s'en aller dudit Anduze audit Lézan sous une escorte qu'y luy fut donnée où estant arrivé le 24 avril de l'année 1703 et tout le lieu estant en désordre, il feut dans l'obligation indispensable d'ordonner au nommé Ginoulhac hoste dudit Lézan de fournir le foin et l'avoine qu'y serait nécessaire pour les chevaux des officiers dudit régiment et pour ceux de M. de Fressieux, inspecteur des troupes qu'y y arriva audit lieu le même jour et qu'y avaient enlevé soixante huit nouveaux convertis.
A la suite de ce mémoire , le remontrant remet six pièces justificatives dont deux saisies, l'une sur ses biens propres l'autre sur ceux de Marguerit . Il ajoute en conclusion: Qu'il vous plaise Nosseigneurs, veu le danger et risque que le remontrant a couru, les dommages qu'il a souffert pour avoir esté contraint de s'absenter de son bien pendant deux annees et demy et que les nouveaux convertis du lieu sont obliges de supporter en leur propre tous les frais qu'y se sont faits à l'occasion des scelerats rebelles du nombres desquels lesdits parties se trouvaient , en ordonner la verification et qu'il sera procede à la repartition dyceux sur tous les Nouveaux convertis…
La réponse des commissaires, est claire:
Approuvé, Lever sans divertissement ni retardation 51 Livres 7 sols 6 deniers ;
Le surplus 225 livres contenu dans les pieces etant raye comme apparait sur l'appostille.
Fait à Montpellier pendant la tenus des Etats du Languedoc, le 28 janvier 1709
Signé Duc de ROQUELAURE, LAFARE, LAMOIGNON
Appostille : vu les pieces cette partie n'est verifiee que pour 51 L 7 s et 6 d du prix du foin et avoine fourny au detachement du regiment Royal Vaisseau avec les interets depuis le 22 décembre 1705, le surplus raye comme procedent au depens dont le sieur Mourgues consul est tenu jusqu'au jour que la commune a este appelee en garantie au propre des consuls qui ont plaide sans permission de M. de Baville.
85J 6
L'affaire ne semble pas être réglée pour autant car le 27 juin 1709, le consul en place Barthélémy Clary sollicite l'avis d'un juriste dans un mémoire qui se termine ainsi "quel chemin Clary doit tenir pour mettre la communaute dessous comme ne s'estant jamais melle dudit proces mais bien deux ou trois des principaux habitants qu'y envoyèrent eux-mêmes l'assignation et mémoire à M° Pein, procureur pour defendre la communauté, ledit clary étant illettre. En effet, le sieur Charles Rodier un des principaux habitants dressa des memoires qu'il envoya luy meme".

Quel fut le sort de ces personnes enlevées ? Il est encore mal connu. D'abord la prison Anduze, Alès, St-Hippolyte, Nîmes ou Sommières. Ensuite après un jugement sommaire, "un convoi" vers les Pyrénées Salces, les trois prisons de Perpignan embarquement à Lattes ou à Cette. On propose aux hommes valides un engagement dans l'armée, les femmes les plus obstinées seront conduites à Carcassonne. Une déportation en Amérique aurait même été envisagée.
Les prisonniers furent libérés pour la plupart lorsque les camisards rendirent les armes profitant de la grâce promise par Sa Majesté dans les négociations entre Cavalier et le Maréchal de Villars (Voir l'" Humble requête des protestants de la province du Languedoc à sa Majesté" articles II et VIII , in Mémoires sur la guerre des Camisards de Jean Cavalier, Présenté par Frank Puaux, PAYOT 1979).
A défaut de retrouver les listes complètes , bien peu de déportés ont pu être identifiés.
Antoine Massip et François Rouquet qui avaient dicté leur testament au notaire Rieu, de Mialet, dans la prison de Perpignan (ADG 2E10 1134 ou 6 Mi 2229 registre du notaire Rieu à Perpignan -introuvable à Nîmes semble-t-il !). Lorsque le camisard Jean Says (l'un des camisards "les plus fameux") se rendit le 21 août 1704, Planque fit libérer sa mère et sa sœur.

L'enlèvement, le plus doux des remèdes ?
"Un enlèvement, est le plus doux remède pour trois raisons. La première, qu'il évite l'effusion du sang des sujets et la longueur des procédures; la seconde, qu'il prévient la mauvaise volonté qu'ont les protestants depuis un temps considérable de se soulever; la troisième , qu'il assure les prêtres dans leurs paroisses, qui sans cela trembleraient toujours, se voyant environnés de leur ennemis". Ainsi s'exprime L'abbé Poncet de la Rivière, le neveu de l'Evêque d'Uzès, qui précise en outre les meilleures conditions d'un enlèvement:  "Mais surtout le secrêt est absolument nécessaire." L'Ouvreleuil en citant la lettre de l'abbé loue aussi cette pensée (Histoire du fanatisme renouvelé, Présentation et notes de P.Cabanel Presses du Languedoc 2001. Pages 209,210).
Les enlèvements de Mialet et de Saumane sont entrés dans l'histoire des Camisards. Les enlèvements de Générac font l'objet d'une rubrique de camisards.net. Les autres enlèvements procédés dans le diocèse de Nîmes sont bien moins connus. Dans le diocèse d'Uzès ils furent semblent-ils plus rares et mieux ciblés. Parmi les rares informations approximatives on relève
Louvreleuil page 112, "M. le Maréchal de Montrevel en usa de même à l'égard du peuple de la Vaunage: il fit enlever des villages entiers, qui avaient donné retraite aux rebelles ou les avaient pourvu de vivres. Huit compagnies de la Marine et six de Miquelets amenèrent à Montpellier , le Jeudi-Saint tous les habitants de trois villages, liés et attachés; on les embarqua deux jours après au Pont Juvenal, pour être enfermer dans le château de Salses.
Louvreleuil, Page 117 ."Deux notables évènements les abattirent encore extrèmement au mois de mai et les jetèrent dans un silence de désespoir:[…] le second fut l'enlèvement que M. de Montrevel fit d'un grand nombre de personnes de toute condition au diocèse de Nîmes dans vingt-deux paroisses, pour être envoyées dans les prisons de Roussillon ou dans l'Amérique sur de vieilles tartanes."
Cisalières page 149 "Julien (le père ) le plus principal habitant de Cardet est conduit à Sommières le 24 avril 1703 avec quarante habitants du lieu."
Court page 198: "Montrevel fit observer la même conduite dans la Vaunage; en un seul jour, il enleva quinze cents personnes dans vingt-quatre paroisse" se contente de résumer Louvreleuil. A noter que le pasteur du Désert Barthélemy Claris, fils du consul, qui a vécu ces évènements, n'en a pas fait le récit à son ami Antoine Court.
Outre l'information sur la procédure des enlèvements, ces sources consulaires ( papiers du consul Claris et comptes de la communauté ) montrent aussi le rôle difficile et ambigû des consuls et des notables. Rôle qui mériterait d'être mieux connu.
Maguy CALVAYRAC

Les camisards à Générac

Le château de Générac

Générac est un village situé à une dizaine de kilomètres au sud de Nîmes. Très majoritairement protestant, ce village avait connu une forte répression dès avant la guerre des camisards : l'assemblée de Combemigère qui s'était tenue sur son terroir en décembre 1687 s'était déjà traduite par une pendaison et de nombreuses condamnations aux galères. Nous connaissons très mal les faits qui s'y sont passés pendant la guerre des camisards, hormis un épisode avec l'auxiliaire des armées royales, meunier à Générac, Florimond. Henri Bosc dans sa "Guerre des Cévennes", cite à peine ce village, aussi nous avons été très heureux de trouver le document que nous publions ci-dessous aux archives départementales de l'Hérault (C258), qui montre bien les conséquences économiques et financières de la répression, et en énumère les victimes. La question dans notre Forum-questions-réponse d'un descendant du galérien Biaux nous fournit l'occasion de publier ce document dans son intégralité. Une grande partie des personnes citées dans ce texte ont été déportées et emmenées à Perpignan lors d'une grande "rafle" qui en avril 1703 frappa les habitants de vingt-six paroisses des environs de Nîmes considérées comme les plus favorables aux camisards. Plusieurs centaines de personnes furent interpellées à cette occasion et emprisonnées. Nous ignorons combien furent déportées à Perpignan selon la technique inaugurée avec les habitants de Mialet et de Saumane peu auparavant. Mais grâce à cette liste, nous pensons savoir maintenant rtrès précisément les noms des habitants de Générac victimes de la répression.

C'est le 8 ou le 9 février 1704 que les camisards prirent le village de Générac, pillèrent les maisons des "anciens catholiques" et commirent les nombreux dégats cités dans le texte ci-dessous. Florimond et sa milice s'étaient pendant ce temps réfugiés dans le château en photo ci-dessus (voir Bosc, La guerre des Cévennes tome III page 130).

 

Estat des biens qui sont en friche à cause des guerres des phanatiques

Les biens de Michel Mourensat etant en prezage 7 s. 4 d. ce qui se montent de tailhe la prezentz année
6 l. 7 s. 11 d.
Les biens des h[oirs] de Izac Breis estant En prezage 5 s. qui se montent de Talhe la prezente année 4 l. 7 s. 1 d.
Les biens de Jacques Viala estant En prezage 3 s. 3 d. et en talhe lad année 1704 2 l. 16 s. 9 d.
-----------------------------------------
13 l. 11 s. 9 d.

Estat des degasts faits par les phanatiques

L'église dudit lieu a esté brullée, c'est à dire la porte, les bancs, le balustre, la chaire a precher, les vitres rompues et le benitier, le tabernacle, le marchepied de l'autel, le banc a prie dieu du Sr vicaire, les bancs des sieurs officiers et consuls, le confessionnal, les fonts batismaux rompus, les vitres entièrement détruites, la porte de la sacristie, une croix qu'il y avait au-devant abatue et les pierres brisées et les tuiles du couvert presque toutes brisées
Estimant tout le dommage estre de valeur de cinq cent livres 500 l.

Deux portes de la maison du sr vicaire ont esté rompues, celles de son garde robe enfoncées
et rompues lui ayant pris et emporté beaucoup de livres et quelques linges estimables
tous la somme de cent livres 100 l.

A Mr Jean Marque a ésté pris un cheval agé de trois ans et de belle talhe et pris encore du linge estimant le tout cent cinquante livres 150 l.

Nous consuls du lieu de Générac soussignés attestons que le brulement de l'églize et autres
dommaiges ont été faits par les rebelles phanatiques et que tout le contenu au prezent estat
est véritable, a Generac 17e
Aoust 1704
Marque Consul
Armentier sd consul

Estat des habitants du lieu de Generac qui ont quitté le lieu et de ceux qui ont esté enlevés et menés a Perpignan ou dans les troupes du Roy

Premièrement Jaques Bres a esté enlevé et est en Perpignan ayant laissé une femme et cinq
enfants taxes en capitation la prezante année 1704 : 7 l. 10 s.

Plus Jean Peyron a esté enlevé mené a Perpignan ayant sa famme et trois jeunes enfants estant de prezant dans les troupes du Roy, taxes en capitation pour ladite année 1704 : 5 l. 10 s.

Charles Aurilhon a esté enlevé et mené a Perpignan estant a prezant dans les troupes du Roy, taxes en capitation en cy après

Mathieu Roque a esté enlevé conduit a Perpignan estant a prezant dans les troupes du Roy taxes en capitation : 7 l. 10 s.

Jacques Cros a esté pris pour cause d'assamblée et condamné et conduit aux galères n'ayant
Laissé aucun bien, taxes en capitation : 4 l.

Noe Biou a esté pris pour cause d'assamblée condamné et conduit aux galères, sa femme et sa filhe a Perpignan, taxes en capitation : 11 l.

Habran Calhot a dézerté le lieu pour cause d'assamblée, sa femme et ses trois filles conduites à Perpignan n'ayant laissé aucun bien taxes en capitation : 2 l.

Guilhaume Sausse a déserté le lieu pour aller avec les Camizards ou il a ésté tué ayant laissé sa femme et quatre jeunes enfants taxes en capitation : 10 l.

Estienne Bretoun a esté pris pour cause d'assamblée et a esté pandu, taxes en capitation l'année 1704 :6 l.

Pierre Cros a esté pris pour cauze d'assemblée condamné et conduit aux galères, sa femme et deux de ses fils a Perpignan taxes en capitation : 22 l.

Marq Tempier antien catholique a esté tué par les camizards n'ayant laissé aucun bien taxes
en capitation : 1 l. 10 s.

Michel Mourensat antien catholique a esté tué par les camisards taxe en capitation

Habran Brus a esté pris pour cauze d'assamblée mené en prison a Nismes et envoyé a la guerre
au service du Roy etant en capitation :4 l.

Jaques Viala a quité le lieu ne sachant ou il est taxes en capitation : 8 l.

Pierre Duran ayant esté enlevé et conduit à Perpignan pour cause d'assemblée taxes
en capitation :4 l.

Jaques Couder a esté enlevé et conduit à Perpignan taxes
En capitation 9 l.

Charles Aurilhon a esté enlevé et conduy a Perpignan taxes
En capitation 4 l.

A Monseigneur
Mon Seigneur de la Moignon de Basville, Chevallier Conseiller d'Estat ordinaire, intendant en Languedoc
Supplie humblemant Jean Marque, ménager, ancien catholique du lieu de Générac, et vous remonstre que les rebelles phanatiques ayant passé audit lieu le huict février dernier en nombre de quatre a cinq cents, après avoir bruslé l'églize et abattu une grande croix de pierre qui était au devant, furent a la maison du suppliant pour le prendre et tuer en haine de ce qu'il s'était montré bon catholique et fidelle serviteur du Roy, ayant toujours fait tout ce qu'il avait pu en qualitté de consul et autrement pour empécher les assemblées des phanatiques, en ayant mesme pris et fait emprisonner plusieurs. Mais comme il s'était caché, les rebelles lui prirent et volèrent quantité de ses chemises et avec linge et habits, de même qu'un jeune cheval poil bay, agé de trois ans qu'ils emmenèrent avec eux, estant le tout de valeur de plus de deux cents livres, et d'autant qu'il est juste que le suppliant soit indemnisé et dédommagé de cette perte, vu même qu'il est le seul ancien catholique du lieu a qui les phanatiques ayent fait de pareils enlèvements et vols, il a recours a votre grandeur
A ce qu'il vous plaize Mon Seigneur de vos graces vu les certificats et sommaire aprinse faitte devant les officiers dudit lieu attestée par messieurs prêtres et curés qui y résident qui justifient lesdits enlèvements, odonner que le suppliant sera payé de ladite somme de deux cents livres par les nouveaux catholiques dudit lieu ou sur les sommes que Sa Majesté a ordonné ^être payées par lesdits nouveaux catholiques pour partie de l'indemnité des domages soufferts par les anciens catholiques et ferez justice

Documents inédits des Archives départementales de l'Hérault (C258).

Interrogatoire de Jacques Cregut de Ferrussac

L'attaque de la maison de l'hôte Alibert, d'Aulas

L'attaque de la maison de l'hôte Alibert, d'Aulas, et le massacre des convives qui s'y trouvaient. Interrogatoire du seul rescapé, le camisard Jacques Cregut de Ferrussac (paroisse de Meyrueis). Textes présentés par Pierre Rolland.

Voici comment Henri Bosc, dans son ouvrage "La guerre des Cévennes" le plus complet et le plus détaillé sur la guerre des camisards paru à ce jour, raconte l'affaire:

"Il y aurait eu, aux alentours de cette date (24-25 avril), un engagement assez important entre les troupes royales et les camisards, qui a été passé sous silence par la plupart des historiens et dont Bâville entretint le ministre Chamillart le 27 avril. Du côté du Vigan, une troupe de rebelles avait fait son apparition, une partie de cette bande s'était retirée dans un cabaret et avait été attaquée de nuit par le sieur de Latude, capitaine de dragons du nouveau régiment du Languedoc. Cet officier réussit à la disperser et aurait tué une quinzaine de camisards, n'en gardant qu'un "pour servir d'otage" (Arch. de la Guerre, vol. 1709 f° 119). On n'a aucun détail précis sur cette affaire". (Bosc, vol. 1 page 662).

Henri Bosc en est resté aux informations données par une lettre de Basville au ministre, reprenant la version donnée par le principal acteur (côté militaire) de l'action. S'il avait pu croiser cette information avec d'autres (mais peut-être ne les a-t-il pas eu en main), il aurait reconstitué une scène bien différente de celle de l'officier Latude. Ces informations, publiées pour la première fois à notre connaissance (excepté un passage des "Itinéraires protestants" relatant l'affaire dans ses grandes lignes), permettront au lecteur de se faire une idée sans doute assez proche de la réalité de ce qui s'est passé. Ces documents sont :

- Une note d'une douzaine de lignes envoyée à Antoine Court, provenant probablement d'une personne favorable aux camisards, ou pour le moins protestante.

- Une relation envoyée au même Antoine Court, provenant probablement aussi d'un protestant, mais opposé aux camisards ("sur le prétexte de rétablir la religion en France"). Nous avons laissé l'intégralité du texte, bien qu'une partie ne concerne pas notre affaire.

- Un paragraphe des mémoires du camisard devenu pasteur Gaubert

- Enfin l'interrogatoire intégral de Jacques Cregut, le camisard arrêté, qui nous a paru très intéressant non seulement pour la version qu'il donne de l'affaire où il a été pris, mais également pour tous les renseignements qu'il donne sur la vie du camisard "de base".

Texte des Papiers Court, BPU de Genève, 17 B, f° 556
(c)
De la Theude capitaine de dragons avec Mr d Assas cap de la Bourgeoisie feurent tomber sur une troupe de jeunes gens qui se divertissoient dans une maison d Aulas ou il y avoit un camisar, on fit main basse sur eux il y eu de morts Jean Viguier, Anterieux, La Pierre, Alibert me de la maison, tous d'Aulas, François Abric fut laissé pour mort mais il echapa, la femme d'Alibert fut laissée aussi pour morte mais elle vecu encore 4 ou 5 mois en tout il y en eut 7 de morts La maison fut pillée

En note au-dessus du § c et sur le coté:

Pere du gouverneur de Milord, il (Mr de la Theude) fut cause de ce massacre par jalousie contre Alibert qui etoit expert et navoit pas estimé comme il auroit souhaité le bien de Mr du Bouillet parent d'Assas.

Texte des Papiers Court, BPU de Genève, 17 U, f° 431
Le 21 avril 1703, un capitaine de dragons appelé mr Latude de Montagnac étant en garnison au Vigan, à dix heures du soir est allé en la ville d'Aulas et dans la maison du sieur Alibert où il a fait tuer ledit sieur, Anthérieu son neveu, le fils aîné de Vigier, un nommé Mallié, le fils de la Fournière, un nommé Nadal, un Cabanis de Molière, la femme du sieur Alibert blessée à mort, croyant que toutes les gens fussent des camisards, comme cela on appelait les troupes qui étaient dans le bois, qui ne sortaient que la nuit brûlant les églises, tuant les prêtres, ravageant les villes et villages par tout le Bas Languedoc à la réserve de Nîmes, Montpellier, Saint Hippolyte et le Vigan qui se fortifièrent et défendirent toutes les Cévennes, et toutes souffrent extraordinairement. Le tout a été sur le prétexte de rétablir la religion en France. Il y a dix-sept ou dix-huit brigades de ces gens ; celles de nos cantons étaient gouvernées par Jean Delanne de Roquebrune, travailleur de terre qui a été pris et tué à Mars le 3e mai 1703. Ayant manqué sa troupe composée de 80 hommes, les autres dessus écrites les unes de 300 et les autres de 400 hommes, les plus fortes de 700 hommes ; on aurait déjà brûlé Avèze, Bréau, Montdardier, Lanuéjols, .... , toutes les hautes Cévennes, tout Lavaunage et Bas Languedoc ; toutes les villes qui ont pu résister étaient pleines de troupes, au Vigan nous y avons encore 16 compagnies, savoir 12 de dragons de Fimarcon et 4 d'infanterie. Dieu veuille apaiser son courroux et nous donner la paix par sa grande miséricorde.

Texte extrait des Mémoires de Gaubert Manuscrits Court, volume 17 B f° 367 et sq)
L'an 1703 au mois d'avril dans Aulas se fit ou à un village nommé Salagosse, de la paroisse d'Aulas. Dans la nuit un officier du Vigan qu'on appelait La tude ou tunne fit un détachement à l'aventure, s'en fut à Aulas. Il pouvait être 9 heures du soir, or dans un cabaret où il n'y avait que l'homme et la femme appelé mr Allibert, y avait 6 hommes qui soupaient. Il y en avait quelqu'un qui était venu de l'assemblée, d'autres qui n'y avaient pas été. Ce mr Latude les entendit parler, y entra avec ses soldats, et fit massacrer ces gens-là sans leur dire pourquoi ni comment, et un d'eux se jeta dessous la table, la table lui tomba dessus, il fit du mort et se sauva après qu'ils furent sortis de la maison. On tua aussi l'hôte de la maison mr Allibert. On crut d'avoir aussi tué sa femme, mais elle en échappa. Quoiqu'elle eut plusieurs blessures, elle vécut encore une dizaine d'années, on ne fit rien à la servante à cause qu'elle était papiste, on pilla la maison, on y mit le feu, mais il s'éteignit.

L’historien catholique La Baume rapporte la mêmes scène de façon assez proche, sauf que le " souper " est devenu une assemblée (Relation historique ... page 171) :

Mr de La Tude, qui commandait quatre compagnies de dragons au Vigan, fut à Aulas sur la fin du mois d’avril. En passant devant la maison du sieur Alibert, qui faisait facturer des draps, il entendit quelque bruit, ce qui l’obligea à faire investir la maison. Il y trouva deux Camisards avec leurs armes, qui portaient des cocardes vertes où pendait un bout de frange ; c’était une marque pour se connaitre entre eux. Il y avait aussi cinq ou six autres hommes.

L’assemblée qui avait été convoquée commençait à s’assembler ; il fit passer au fil de l’épée Alibert, sa femme et sept hommes, et n’épargna qu’un camisard et une servante qu’il fit conduire à Alais ...

ADHérault C184.322
Interrogatoire de Jaques Cregut tisserand de cadis fils de feu Jean du mazage de Ferrussac paroisse de Meyrueis.

Henry de Ginestoux seigneur d'Argentières gouverneur et viguier de la ville et viguerie du Vigan subdelegué de Monseigneur de Baville Intendant de Languedoc

Du vingt troisieme avril mil sept cens trois dans la jaule des prizons royaux du vigan.

Avons mandé venir desd prisons un jeune homme de moyenne taille ayant les cheveux noirs et assez longs estant en chemizette de cadis burel portant deux paires de chausses l'un gris et l'autre burel portant une chemise de toile blanche portant des bas faits a laigulhe blancs et bons souliers et un chapeau noir retroussé

Auquel avons demandé son nom surnom religion age qualité demeure et le sujet de sa detension

Lequel après avoir presté serment de dire vérité nous a dit se nommer Jaques Cregut tisserant de cadis fils a feu jean du mazage de Ferrussac paroisse de Meyrueis age d'environ vingt cinq ans faizant profession de la religion pretendue reformeée et que huit jours après la St Michel il feut a Aulas s'estant loué avec Alibert hoste de la Treille dud Aulas pour amasser les chatagnes dans lequel temps il feut avec François Martin fournier dud Aulas a une assamblée qui feut faite au-dessus de Salagosse dans une claye appellée la Borie du Gendre y ayant environ quatre vingts personnes hommes ou femmes qu'il ne connut pas. Led François Martin luy ayant dit que le predican s'appelloit Delenne, led Delenne estant d'une taille un peu plus grand que luy ayant les cheveux chatains. Et huit jours avant les festes de la Noel dernier il auroit quitté led Alibert estant allé travaillé de son metier avec le nommé Laval ou il resta de travailler de son metier de tisserand de cadis jusques sur la fin du mois de janvier dernier que le fils du Sr Desmazes dud Aulas faizant recrue dans le temps quil travailloit estant derriere le mestier de tisserand a la maison dud Laval le fils dud Sr Desmazes acompagné de deux de ses soldats de sa recrue le seroient veneu prendre et enlevé disant qu'il estoit enrollé avec luy. Et ayant resté deux ou trois jours a la maison du Sr Desmazes voyant qu'il estoit enrollé par force il auroit dezerté pour aller a Anduze travailler de son metier de tisserand estant party d'Aulas au commansement du mois de février dernier, et pour aller aAnduze seroit passé par Mandagout a Taleirac a Bonperié aux Plantiers paroisse de St Marcel de Fonfouliouze et a Saumane auroit rencontré la troupe de fanatiques dont le chef estoit le nommé Castanet de Massevaques estant un petit homme assés gros portant une peruque blonde habillé de minime doublé de rouge portant sur le chapeau un crespe disant quil fait deuil de son pere; son lieutenant etant le nommé Laroze tisserand de son mestier ne sachant pas son nom ny sa demeure estant d'une grande taille portant une perruque noire megre de visage. La troupe des fanatiques estant composée d'environ cent quarante hommes y en ayant quarante d'armés. Led Castanet menant une jeune fille faizant la profetesse agée d'environ quinze a seze ans qu'on dit estre de St andré de Valbornie. Led Castanet ayant obligé led Cregut a les suivre luy ayant baillé un fuzil et une chemise blanche qui est la meme qu'il porte presentement et un galon d'or pour border son chapeau comme il fit. L'ayant logé ce meme jour a Saumane chés le nommé Bastide avec trois autres inconnus aud Cregut et aussi le reste de la troupe quatre a quatre chés les habitants dud Saumane, led Cregut n'ayant reconneu aucun de la troupe que le nommé Thomas d'Aumessas qui avoit dezerté de la Compagnie du Sr Delavaurs ayant soupé aud Saumane ils en seroint partis ayant marché toute la nuit ne sachant ou ils feurent; le lendemain au chateau de Lom dans la paroisse dud Saumane le nommé Estienne fils du nommé Causses Vertes de Pracoustals paroisse d'Aulas feut les joindre ayant resté avec la troupe dud Castanet depuis ci fait environ quinze jours qu'il le quitta , led Castanet le faizant marché de nuit le plus souvent et le jour dans le païs desert et inconnus dud Cregut les faizoit reposé; et les habitants des environs ou ils roullent qui leur portoit des vivres n'en connaissant aucun tous obeissant au commandement dud Castanet ne restant presque jamais a un meme endroit et ne sachant jamais ou Castanet les conduizoit; led Castanet ayant beaucoup d'argent qu'il faizoit rensonner de plusieurs endroits. Led Castanet ayant presché deux fois a l'eglise de St Marcel de Fonfouillouse suivi de sa troupe beaucoup des habitants de la paroisse et des environs y ayant acisté n'en connaissant aucun, led Castanet ayant fait bruslé trois maizons a St André de Valbornie ne sachant a qui elles apartenoit. Il fit ensuitte le soir dans la nuit une assamblée au dessous de St André de Valbornie dans un pré a deux portées de fuzil. Led Castanet y ayant presché y estant veneu plusieurs personnes de St André et des environs que led Cregut ne connut pas. Il feut au Pompidou et ce plaignant que les habitants de Fraissinet de fourques l'avoit menacé de luy brusler sa maison il feut aud Fraissinet avec sa troupe qui a grossy jusques a deux cents, les deux tiers armés ny en ayant jamais plus eu et commanda de brusler et tuer disant que ceux qui ne le faizoit il leur tireroit dessus. Les habitants dud Fraissinet les ayant veus venir ce seroint refugies a la maizon ou ils faizoit corps de garde Castanet et sa troupe ayant mis le feu au lieu tué cinq personnes hommes ou femmes et les habitants auroint tué cinq hommes de la troupe de Castanet; ils feurent au chateau Daires dans lequel temps Larose lieutenant de Castanet feut dans la nuit ne sachant ou avec un detachement de vingt hommes, et ayant revenu. Il le vit portant un justecorps de drap gris de fer galonné dor et une veste rouge galonnée d'argent. Ils feurent au chateau de St Sauveur et a Camprieu ou ils desarmerent le chateau et les soldats et Bourgeoisie de Camprieu. Aux Plantiers une autre troupe de fanatiques en nombre de cent quarante ny en ayant pas la moitié d'armés menés par le nommé Salamon les vint joindre et resterent deux jours avec eux et ensuite cette troupe se retira du costé de la montagne de Louzere; et il fait environ quinze jours que voulant quitter comme il fit aux Plantiers Castanet, il promit de le rejoindre dans deux jours. Estant party avec le nommé Estienne fils de Causses Verdes de Pracoustals, le nommé Thomas d'Aumessas; le nommé Abran ne sachant d'ou il est, le nommé Pompeira de Ganges, un soldat qui avait deserté son capitaine, et un autre homme inconnu aud Cregut repondant; estant en nombre de sept seroint allés le repondant portant son fuzil avec de poudre et trois bales que Larose luy avoit baillé, des Plantiers ou ils laisserent la troupe passerent a Bonperié dessandirent au pont de Cros, passerent a Taleyrac ou l'un des sept feut au vilage achaipter un pain de deux sols qu'ils mangerent, et a Peyrefiche entre Lavals et Mandagout ils se separerent led Cregut repondant et le nommé Causses verdes estant allés pres le mas de Pracoustals paroisse d'Aulas habitation dud Causses verdes dans la claye appellée la Borie du Gendre ou ils ont resté depuis jusques a hier, led François Martin fournié d'Aulas que le repondant avoit connu a l'assamblée qui c'estoit tenue lorsqu'il aidoit a chatagner a Alibert leur ayant porté des vivres, n'ayant veu plus autre personne. et hier environ neuf heures du matin led Martin le sus nommé Lenne predican portant un fuzil et trois pistolets. Le nommé Teulon de la paroisse de Valleraugue faizant le predican armé d'un fuzil et deux pistolets chacun suivi de deux hommes inconnus aud Cregut repondant, lesd deux hommes portant deux pistolets chacun, led Teulon paroissant estre agé d'environ trente ans gravé de la petite verolle, le vizage plain, les cheveux courts et noirs, habillé de minime, de grande taille. Ayant dit aud Cregut repondant et a Causses verdes qu'il faloit qu'ils vinsent avec eux pour aider a tenir une assamblée qu'ils vouloit faire a Salagosses, ce qu'ils auroint offert dans lequel temps lesd Lenne et Teulon parlant des affaires du temps led Teulon dit a Lenne quil estoit cette semaine derniere a la coste de Navés avec six de sa troupe et qu'ayant veu venir les dragons et les autres troupes et le garnison du Vigan ils auroint tiré deux coups de pistolets et ayant monté la coste de la Luzete et ayant trouvé un muletier ils lui auroint dit de dire aux dragons qu'ils les avoit veus et qu'ils estoient en nombre de deux cents qu'ils les attendoit et les dragons ayant monté a la Luzette led Teulon vit qu'ils se jetterent dans un bois et que les dragons les abandonnèrent et ensuitte led Lenne ayant posé le repondant en centinelle près de la montagne de Salagosses ou il resta de onze heures du matin jusques au soir. Led Martin fournié luy ayant porté du vin. Il se tint une assamblée dans le fonds de Salagosses. En nombre de deux cents personnes hommes et femmes du menu peuple de la paroisse d'Aulas led Lenne preschant et plusieurs chantant des psaume led Cregut repondant n'en ayant pas conneu aucun a cauze qu'il estoit loin d'eux. Et le soir led Lenne seroit venu rellever de centinelle led Cregut repondant, led Lenne avec led Cregut et Martin estant allés de compagnie jusque tout près de Breau ou ayant trouvé un homme de Breau qui se dit couzin dud Lenne led Lenne les auroit la quittés et s'en seroit allé avec son couzin vers Breau. Le repondant avec led Martin estant allés a Aulas estant arrivés environ neuf heures du soir. Le repondant connoissant la servante d'Alibert qui est de son village ils seroint passés par la porte du derriere de la maizon dud Alibert et seroint entrés dans la chambre du derriere ou ils auroint trouvé des personnes d'Aulas que le repondant ne connoit pas qui estoint en debauche. La servante leur ayant donné a boire et a manger sans qu'il aye vu Alibert ni sa femme, le repondant portant son justecorps de minime de meme couleur que la veste son chapeau bordé ayant a la mutine un ruban vert et un ruban bleu a la chemize. Et dans le temps qu'il soupoit ches led Alibert il a esté surpris par les troupes de la garnizon de la presante ville, lesquelles ont tué sur le champ led Martin, les autres qu'il trouva en entrant dans lad maison Alibert et sa femme et le repondant ayant demandé la vie en disant qu'il decouvriroit ses complices on ne la pas tué mais on la arresté et mené aux presantes prizons luy ayant osté son justecorps son chapeau luy en ayant baillé un autre et luy ayant pris les bales et poudre qu'il portoit ensemble trois livres quatre sols argent qu'il avoit sur luy et c'est le sujet de sa detension.

Interrogé ou est ce qu'il estoit avant la St Michel dernier

A repondeu qu'il estoit a son vilage ou il a resté depuis le mois de may mil sept cent deux a la rezerve de cinq ou six jours qu'il feut a Camprieu aider au Sr de Camprieu a depiquer ses bleds, sa soeur demeurant avec le Sr de Camprieu pour servante.

Interrogé s'il n'est vray qu'il feut au chateau du Rey la sepmaine derniere avec les autres fanatiques qui y feurent aussi; quel nombre ils estoint qui les commandoit.

A repondeu et denie l'interogatoire

Interogé s'il ne feut aussi avec led Teulon a la montagne de la Luzette la sepmaine derniere dans le temps que les dragons les poursuivoit

A repondeu et denie l'interogatoire

Interogé s'il ne connaissait Castanet avant qu'il feut le joindre a Saumane

A repondeu et denie l'interogatoire

Interogé si dans la troupe de Castanet il n'a conneu d'autres personnes que celles qu'il a dit memes aux assamblées.

A repondeu et denie l'interogatoire et n'avoir reconnu que les personnes qu'il nous a dit

Interogé sy dans le temps que Mr de Julien estoit a Saumane il ny feut avec les autres et la troupe de Castanet pour enlevé les prisonniers que M; De Julien avoit fait

A repondeu que la troupe de Castanet se separa en deux corps l'un desquels feut attaqué M. de Julien et l'autre ou il estoit commandé par Larose feut du costé de Peyrolles.

Interogé qui leur fournissoit la poudre les bales et les vivres.

A repondeu qu'il n'en sait rien.

Interogé s'il ne s'est séparé avec Lenne Teulon et autres de la troupe de Castanet pour venir dans la paroisse d'Aulas faire des assamblées et s'ils n'en ont fait plusieurs autres que celle d'hier et nous decouvrir les personnes qu'il y a reconnu et qui luy ont donné retraite et a manger.

A repondeu et denie de n'avoir reconneu autre personne que celles qu'il a dit dans son discours.

Interogé si le jour que Monseigneur le Marechal de Montrevel arriva en la presante ville du Vigan luy Castanet avec sa troupe nestoint a la coste de Naues

A repondeu et acordé l'interogatoire et qu'ils alloit vers la paroisse d'Aulas mais ayant apris larrivée de Monseigneur le Marechal au pied de Coste de Navés près de la Borie du Crestat ils auroint rembourcé a la montagne de l'Esperou

Exorté a mieux dire la verité

A repondeu l'avoir dit

Lecture faite des interogatoires et reponses contenir verité ny voulant adjouter ny diminuer et na seu signer de ce requis

Et le meme jour a quatre heures après midi

Et ce fait M le compte de Monpeiroux cappitaine de fuzilliers nous a exibé un lettre qu'il a dit avoir trouvé sur ledit Cregut

Laquelle lettre ayant exibé aud Cregut et interpellé s'il la reconnoit a dit que c'est la meme que M le compte de Montpeyroux luy a trouvée ; lad lettre ayant esté par nous parafée et signée au pied et attachée au presant interogatoire et ayant interpellé qui la luy a baillée.

Il a repondeu que hier led Teulon luy bailla lad lettre pour bailler a Castanet.

Interogé s'il a conneu d'autres personnes dans la troupe

de Castanet que les susd.

A repondeu qu'il y conneut un jeune homme nommé la Grandeur de Saumane et le nommé Louzeran de St André de Valbornie.

Interogé si Castanet a fait d'autres assemblées que les susdites

A repondeu qu'il en fit une a Vebron y ayant plusieurs habitants de Vebron et autres des environs

Interogé s'il sait rien de l'enlevement que firent les fanatiques de la poudre que les trouppes de Meyrueis avoit envoyé cherché a Milhau

A repondeu que huit fanatiques des mazages de Massevaques et lieux circonvoisins estant allés ches eux ayant esté avertis par quelqu'un de leurs voisins du convoy de la poudre ils feurent l'enlevé et porterent lad poudre a la troupe qui feut baillé a la Roze lequel en bailla un quart au repondant.

Interogé sy les nommés Abran Toumas et le soldat dezerteur qui vindrent avec liy ne feurent hier a lassamblée

A repondeu et accordé

Interogé s'il n'a un autre nom.

A repondeu que par subriquet on le nomme dit Fouzet

Interogé ou estoit il avant le mois de may dernier

A repondeu qu'il travailloit de son mestier a Coulonniac chés Pierre Jean ou il passa liver dernier.

Exorté a mieux dire la verité.

A repondeu l'avoir dit et lecture faite de ses interogatoires et reponces a dit ses reponces contenir verité ny voulant ajouter ny diminuer et na seu signer de ce requis

Nous ne savons pas ce qu'est devenu Jacques Cregut. Nous savons seulement qu'il a été incarcéré à la prison du Vigan d'avril à novembre 1703, puis qu'il a été transféré au fort de St-Hippolyte où il reste au moins jusqu'au 1er novembre 1704. Nous perdons ensuite sa trace : il n'a probablement pas été envoyé à la potence ou aux galères (nous le saurions par d'autres sources), pas libéré purement et simplement non plus (on ne l'aurait pas gardé autant en prison s'il avait collaboré pleinement avec les autorités). Il peut être mort en prison, être resté enfermé plusieurs années (on est loin de connaître encore le nom de tous les prisonniers et prisonnières de cette période), ou plus vraisemblablement aura été forcé de s'enrôler dans l'armée. Si par hasard ou par recherche quelqu'un avait des éléments pour que l'on retrouve sa trace, nous en serions bien sûr ravis !

Pierre ROLLAND


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Interrogatoire de Marie Alméras

Archives municipales de St-Jean-du-Gard
GG38 (2)

 

Archives municipales de St-Jean-du-Gard
GG38. [Ponctuation et accentuation rajoutées]

27e 8bre 1702
Marie Alméras filhe de Pierre Alméras
de Beaumort paroisse de St Jean de Gardonnenque
âgée de 25 ans
Interrogée si [son identité est exacte]
A r{épondu] & a[dmis]
Interrogée si elle n'a entendu publier
Les ordonnances etc
A r. qu'ouy
Interrogée si elle n'a veu et connu
plusieurs des attroupés, si elle ne leur
a porté des vivres, si elle ne les a receu
et cachés dans sa maison
A r. et desnié
Interrogée si elle ne sait qu'ils ont esté à Marouls
A r. et desnié
Int. si elle ne sait que Anne Alméras
Sa filhe sœur les a aporté des vivres
le jour du combat à un bois près dudit
Marouls
A r. et desnié

Interrogatoire de Damaris Dupuy

Archives municipales de St-Jean-du-Gard
GG38 (5)

Archives municipales de St-Jean-du-Gard
GG38. [Ponctuation, majuscules et accentuation rajoutées]

Du 27 8bre 1702
Damaris Dupuy filhe de Louis du lieu
de Falguières, par. de Dt Jean de Gard.
agée de 25 ans
Interrogée si [son identité est exacte]
A r{épondu] & a[dmis]
Interrogée si elle ne cognoist la plus
grande partie de ceste troupe, si elle ne
les a veux, si elle ne les a porté des vivres
et si elle ne les a donné retraite dans sa
maison ou ailleurs
A r. et desnié
Int. où est ce qu'elle estoit le jour de la St
Michel dern.
A r. qu'elle estoit au lieu de Clairan dans
la maison du nommé Anthoine Prades son oncle
Int. si elle n'est fanatique
A r. que non mais qu'elle ne crois pas
damnés
Exorte...
elle

Trois circulaires de Basville

AD34 C183.606

Nicolas de Lamoignon

Vu la procédure faite par le Sr Caubemalie au sujet de l'assassinat commis en la personne de Pierre Alier berger en date du 10 septembre dernier, les interrogatoires et réponses du nommé Aumier du 10 septembre dudit, les conclusions du procureur du Roy du 29 du mesme mois,

Nous avons déclaré la capture dudit Aumier bien faite. Ce faisant ordonnons que les témoins ouis et informerons autres qui pourraient être ouis de nouveau. Ils seront recolés en leurs dépositions et si besoin est confrontés aux accusés. Pour ce fait a communiqué au procureur du Roy être fait droit ainsi qu'il appartiendra et que les nommés Henry Castanet prédicant, Lacombe Sr de la Devese seront pris et saisis au corps et conduits dans les prisons de la citadelle, sinon et après perquisition faite de leur personne seront assignés à quinzaine et à 8ne après par un seul cri public, leurs biens saisis et annotés conformément à l'ordonnance faite à Montpellier le 7 octobre 1702

Delamoignon

AD34 C183.613

Nicolas de Lamoignon

Vu les interrogatoires et réponses faits par Jacques Donnadieu devant le sr Campredon le 11 7bre dudit devant le sr Loys, et les 16, 17 et 19 dudit mois, celles par lui faites sur la sellette et sur le banc de gesne le 21 du même mois, les interrogatoires de Jean Herail faits devant les sieurs de la Bruguière et Loys les 10, 11 et 16 dudit mois, aussi interrogatoires sur la sellette et banc de gesne dudit jour 21 septembre, les interrogatoires de Pierre Salles faits devant ledit sieur Loys et ceux faits sur la sellette et sur le banc de gesne du mesme jour, conclusions du procureur du Roy du 30 dudit mois,

Nous ordonnons que les nommés Deleuse d'Elzet et Bastide de Pomerols, un homme habillé de noir petit de taille qui portait une hallebarde, un homme de Brouset habillé de serge obscure, un homme de St Alary dont le frère a épousé la soeur du curé du lieu, Pelatan d'Euset, Devese et Rouvière de Brenoux et Nouguier cardeur de laine de St Martin de Bobaux seront pris au corps et conduits dans les prisons de la citadelle de cette ville pour être interrogés sur les faits résultant des charges et le procès à eux fait suivant les ordonnances, leurs biens saisis et annotés et à iceux établi commissaire ce qui sera exécuté nonobstant opposition, sinon et après perquisition faite de leurs personnes seront assignées à quinzaine, à 8ne par un seul cri public conformément à l'ordonnance faite à Montpellier le 7 octobre mil sept cent deux

Delamoignon

Nicolas de Lamoignon

Vu l'information faite par le sieur Blanc juge de Caveyrac le 27 aoust dernier, les conclusions du procureur du Roy du 25 7bre aussi dernier

Nous avons ordonné que les nommés Pierre Seguin et son second fils de Caveyrac, le fils aîné de Me Raymond cordonnier, les deux fils et la femme d'Anthoine Saussine, un autre des fils ainés de Pierre Garnier (Sanier ?), Jeanne Bousanquet, Jeanne Combes, le nommé Redeville grand de taille homme d'environ 40 ans le visage long dud lieu de Caveyrac, seront pris et saisis au corps et conduits aux prisons de la citadelle de cette ville pour être interrogés sur les faits résultant des charges et le procès à eux fait suivant les ordonnances, sinon et après perquisition faite de leur personne seront assignés à quinzaine et huitaine après par un seul cri public leurs biens saisis et annotés conformément à l'ordonnance

fait à Montpellier le 7 octobre 1702

Delamoignon

Textes communiqués par Henry Mouysset, transcrits par Pierre Rolland

Interrogatoire de Abraham Pouget

AD34 C183.670

Interrogatoire du 13 septembre 1702
Avons mandé venir en la chambre du Conseil l'accusé cy après nommé, de luy serment pris de dire vérité
Interrogé de son nom, âge, qualité et demeure et religion
A dit s'appeler Abraham Poujet, du lieu de Ruffières, âgé de 47 à 48 ans, travailleur de terre, qu'il est catholique, apostolique et romain
Interrogé s'il n'a pas été à l'assemblée de Ruffières et à d'autres et s'il n'y a pas prêché
A denié
Interrogé s'il n'a pas entonné des psaumes dans l'assemblée de Ruffières
A denié
Interrogé s'il ne s'est pas sauvé de sa maison et pourquoi
A dit que c'est parce qu'on l'avait menacé de le faire prendre
Interrogé s'il n'était pas à la Baraque de Gibert trois jours après l'assassinat de Mr l'abbé du Chaila
A denié
Interrogé s'il ne connait Laporte et s'il n'a été aux assemblées avec lui
A dit qu'il connait la Porte pour être de son lieu, mais qu'il n'a jamais été en aucune assemblée avec lui
Lecture faite a exhorté de mieux dire la vérité, a dit l'avoir dite, a persisté et signé

Pouget

Texte communiqué par Henry Mouysset, transcrit par Pierre Rolland

Relation de quelques entreprises des fanatiques dans les Sévennes

Archives Nationales. TT3 240 dossier II, folios 81 à 83

Cette relation, à notre connaissance inédite, fait partie du lot de correspondances avec l’évêque d’Uzès que nous avons vu avec le récit de la mort de l’abbé du Chaila, et présente l’intérêt de raconter les débuts de la guerre dans la région de Branoux, Laval, et le Collet-de-Dèze, pour laquelle nous n’avons pas beaucoup de témoignages. On notera en particulier le récit de la première bataille de la guerre des camisards, la bataille de Champdomergue.

Après les meurtres et assassinats de mr l'abbé de Cheyla, de quelques curés, de la famille de mr de la Devèze, de mr de St Côme et de quelques autres, plusieurs prêtres curés au nombre de 120 environ ont quitté leurs paroisses et se sont retirés en la ville d'Alès dont quelques-uns du diocèse d'Uzès. Pour prévenir une désertion plus grande dans le diocèse d'Uzès, mr l'Evêque a indiqué sa visite dans les doyennés les plus voisins des lieux où ces meurtres ont été commis pour animer par sa présence les curés de son diocèse. Ces doyennés sont ceux de St Ambroix, de Sénéchas et de Gravières, aux doyens desquels led sr Eveque a indiqué sa visite par ses lettres du 28e août dernier.

Le 31e dudit mois les fanatiques au nombre de douze environ entourèrent la maison claustrale du sr Gibelin prieur curé de Blannaves du doyenné de Sénéchas, brisèrent les portes du presbytère et le cherchèrent jusque dans la cuve et les tonneaux de la cave, mais inutilement, s'étant retiré à Alès sur les avis qui lui avaient été donnés.

La nuit du 3 au 4 ces scélérats au nombre de 40 environ bien armés furent chez le sieur Faucher prieur-curé de St-Just qui était absent, enfoncèrent la porte et la percèrent de plusieurs coups, traitèrent très mal le valet, prirent 4 fusils, brisèrent les tableaux et images qui étaient dans la chambre et dirent à ce valet qu'ils sauraient bien une autre fois le trouver, ils prirent dans ce lieu six armes à feu et quelques bayonnettes.

Ces mêmes scélérats furent la même nuit à Esplan, maltraitèrent les soldats de bourgeoisie et prirent leurs armes.

Mr le chevalier d'Aiguines gouverneur d'Alès envoya un exprès aud sr Evêque qui faisait sa visite au doyenné de St Ambroix, pour lui donner avis de ne pas monter dans les Cévennes, sur ce que le nombre de ces misérables augmentait, mais comme son retour avait eu un mauvais effet à l'égard des curés qui avaient été convoqués, il crut ne devoir pas changer les ordres qu'il avait donné.

La nuit du 4 au 5 ces scélérats au nombre de 40 environ furent au mas d'Aubenas de la paroisse de Laval, ils entourèrent la maison du nommé Reboul le plus considérable dud lieu, le prirent, lui donnèrent des coups de baton et de bayonnettes, et le laissèrent comme mort, le vicaire et secondaire de lad paroisse de Laval lui donnèrent ensuite l'extrême onction.

De là ils furent au lieu de la Favède de la même paroisse de Laval, une partie de ces scélérats entourèrent les maisons de quelques anciens catholiques qui s'étaient évadés, et les autres s'assemblèrent devant la maison du principal habitant où ils prêchèrent en fanatiques avec leurs postures ordinaires. Comme cette maison était hors d'insulte, ils ne purent y entrer, et dans la crainte du feu le maître leur rendit les armes par la fenêtre, la plus part des autres anciens catholiques s'étaient retirés, ils enlevèrent de ces lieux 12 à 15 armes à feu.

Le 8e dudit mois Jean Paradis habitant de St Frezal de Ventalon diocèze de Mende vint trouver led sr Eveque d'Uzès à Génolhac pour lui donner avis que sur les huit heures du matin 25 de ces fanatiques s'étaient adressés aux consuls, qu'ils les avaient maltraités, qu'ils avaient cherché le sr Gausse curé après avoir enfoncé la porte de la maison presbytérale, qu'ils étaient entrés dans l'église où ils avaient rompu le tabernacle, renversé les stes huiles, le valet du curé ayant été témoin de toutes ces circonstances. Ils ont pris dans ce lieu 10 à 12 armes à feu.

Ledit sieur Gausse curé et le sr Hours secondaire de ladite paroisse de St Frezal sont arrivés à Genolhac fort alarmés qui ont confirmé les circonstances ci-dessus.

Le 9 à 7 heures du matin est arrivé audit Genolhac le curé du Coulet diocèse de Mende, lequel a rapporté que la nuit ces scélérats attroupés étaient venus audit lieu, ou le sieur de Cabrières gentilhomme capitaine de bourgeoisie est en quartier, et d'où il était sorti sur un faux avis que ces scélérats lui avaient fait donner d'une assemblée, ils entrèrent dans l'église qui était autrefois le temple, ils y chantèrent en fanatiques et prirent le calice, de là ils furent chez mr le sieur de Cabrières auquel ils prirent quelques hardes et munitions de guerre, ils furent au corps de garde pour y enlever les armes, mais on y avait donné ordre.

Le sr de Cabrière ayant été averti que m Poul capitaine arrivait avec un détachement dans le même temps se joignit à lui avec quelques autres troupes du fort d'Alès, ce qui composa un petit corps de 70 hommes environ bien conditionné.

Ces scélérats fanatiques étant de retour du Coulet s'assemblèrent sur la hauteur de Champdoumergue diocèse de Mende environ les huit heures du matin dudit jour 9e où ils furent aperçus par les notres lesquels marchèrent droit à eux. Les fanatiques firent ferme et chantèrent des psaumes et ensuite ils avancèrent ainsi que les notres avec un air de bravoure. Ils firent leur décharge en bon ordre, mais après ils fuirent et suivis par nos troupes autant que la force le leur pouvait permettre ayant marché toute la nuit et n'ayant pris aucun aliment.

Il y a eu 25 de ces misérables tués sur la place, 3 ou 4 de pris dans les poches desquels on a trouvé les pièces d'un calice. De notre part le beau-frère de mr Poul a été blessé au bras, mr du Gibertin n. c. fort zélé blessé à mort, un lieutenant du fort d'Alès blessé et 4 ou 5 soldats blessés.

Le 20e est arrivé à Genolhac le sr Pagès prêtre prieur de St Hilaire diocèse de Mende lequel a dit savoir par des personnes de probité que ces scélérats s'étaient plaint que led sr Eveque fut dans le voisinage à y faire sa visite et qu'ils l'empêcheraient bien de la continuer.

Ledit sr Prieur a rapporté que led sr Poul avait eu avis qu'à 9 heures du matin ces misérables s'étaient ralliés au nombre de 300 environ au même camp et sur la hauteur de Champdomergue, quelques uns croient que c'est pour retirer et enterrer les corps morts pour qu'ils ne puissent pas être reconnus.

Mais mr de Broglie et mr de Baville informés de ces circonstances ont donné les ordres necessaires pour exterminer cette canaille de fanatiques, et on apprend que 5 compagnies de la marine ou autres troupes y arrivent incessament.